Les autorités égyptiennes sont soumises à une pression internationale sans précédent depuis que l'armée a dispersé, dans la violence, le sit-in des Frères musulmans. L'Union européenne, en ligne d'attaque, se ligue contre Le Caire qui apparaît de plus en plus isolé sur le plan diplomatique. Les chefs d'Etat des principaux pays européens – François Hollande, David Cameron et Angela Merkel – se sont concertés, hier, pour trouver une position commune sur les évènements qui secouent l'Egypte. Le président français, François Hollande, à la manœuvre diplomatique, a interrompu ses vacances pour s'entretenir avec la chancelière allemande, le Premier ministre britannique et le président du Conseil italien afin de travailler à une «une concertation urgente au niveau européen» sur la crise égyptienne, selon un communiqué de la Présidence française : «Ils souhaitent que les ministres des Affaires étrangères de l'Union puissent se réunir rapidement, la semaine prochaine, afin de faire le point sur la coopération entre l'UE et l'Egypte et d'élaborer des réponses communes.» A Bruxelles, le ton était aussi ferme à l'égard des autorités égyptiennes. La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a annoncé une réunion, lundi, des ambassadeurs des 28 Etats de l'Union pour évaluer la situation en Egypte et «parvenir à une position en vue de possibles actions». «J'ai été en contact constant avec les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et j'ai demandé aux représentants des Etats membres de débattre et de coordonner les mesures appropriées qui doivent être prises par l'UE en réponse à la situation en Egypte», a ensuite fait savoir Mme Ashton dans un communiqué. Mais la position la plus ferme est venue d'Allemagne. Berlin, qui a condamné «vigoureusement la violence», a également décidé de «réexaminer ses relations avec l'Egypte». L'Allemagne va «réexaminer ses relations avec l'Egypte en raison de l'évolution récente de la situation dans le pays», a annoncé hier la chancellerie. «La chancelière a expliqué que le gouvernement fédéral, en raison de l'évolution récente de la situation, allait réexaminer ses relations avec l'Egypte», affirme un communiqué. Habituellement tempéré par rapport aux événements qui secouent la région du Moyen-Orient, Berlin a décidé de suspendre une aide de 25 millions d'euros destinée à l'Egypte. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, doit recevoir, aujourd'hui, son homologue du Qatar pour se concerter sur les événements en Egypte. De son côté, le Danemark avait annoncé qu'il suspendait son aide bilatérale (4 millions d'euros), tout en appelant l'UE à faire de même. Bruxelles a prévu une aide de 450 millions d'euros à l'Egypte pour soutenir l'effort de transition. Pour le politologue égyptien Tawfik Aclimandos, les dirigeants européens font une analyse «erronée de la situation égyptienne. Leur position explique une crainte des conséquences de la radicalisation éventuelle de l'islam politique dans la région». Washington, dont l'influence sur la vie politique égyptienne est considérable au regard des accords qui lient les deux pays, notamment dans le secteur de l'armement, s'est montré menaçant. Annulation des manœuvres militaires conjointes et menaces de sanctions accrues «si nécessaire», a agité le président américain Barack Obama. Dans un discours prononcé jeudi, le locataire de la Maison-Blanche a tancé les autorités du Caire : «La coopération entre les deux pays ne peut continuer comme d'habitude alors que des civiles sont tués dans la rue et leurs droits bafoués», tout en appelant à la levée d'état d'urgence instauré au lendemain de l'intervention de l'armée contre le campement des Frères musulmans. Le président américain a condamné fortement «des actes commis par les forces de sécurité» et a affirmé son soutien «au droit des Egyptiens à manifester pacifiquement». Une position qui a irrité le président intérimaire, Adly Mansour, qui a riposté aux propos d'Obama. «La présidence craint que les déclarations (d'Obama) non basées sur des faits puissent encourager les groupes armés violents. La présidence apprécie le souci des Etats-Unis pour ce qui se passe en Egypte, mais souhaite que le sujet soit clarifié. L'Egypte est confrontée à des actes terroristes qui visent les institutions du gouvernement et des installations vitales», a indiqué un communiqué de la présidence égyptienne. Le pouvoir égyptien, aux mains des militaires, peut se targuer par contre du soutien «fort» de l'Arabie Saoudite. Le roi Abdallah a affiché, hier, un soutien sans faille aux autorités du Caire «face au terrorisme». Le monarque a mis en garde contre «les ingérences dans ce pays meurtri par les violences entre partisans du président islamiste déchu et forces de sécurité». Les autres pays arabes, qui ont appuyé le renversement de Mohamed Morsi, soutiennent en sourdine le pouvoir du Caire dans sa méthode «d'éradication» des Frères musulmans. En somme, si le régime du Caire est en passe de porter le coup de grâce à la confrérie des Frères musulmans, il court le risque de perdre une bataille diplomatique fortement nécessaire au regard de son instabilité politique et surtout de sa fragilité économique.