Décidément, certains de nos édiles sont en train d'exceller dans l'art du bricolage et de l'expéditif, donnant l'impression de trouver un malin plaisir de faire avant de défaire pour refaire ensuite la même chose. Lorsqu'on voit une chaussée dont le bitumage est surélevé par rapport au niveau du trottoir, cela suscite quand même des interrogations. La critique est aisée, mais l'art est difficile, me diriez-vous. A dire vrai, « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », disait le cartésien René Descartes. Mais la raison se perd parfois devant l'évidence. Une administration communale qui, voulant certainement bien faire, s'emmêle les pattes pour se livrer à des broutilles. Elle se lance dans une entreprise superfétatoire, dont elle fait son dada, au lieu d'aller au cœur des choses. De l'énergie gaspillée sur l'autel du superflu au moment où l'urgence se fait sentir ailleurs. Elle s'échine à badigeonner piètrement les murs d'une cité décrépite alors que ses ruelles croulent sous la charge des immondices. Elle se donne la peine de vider certains lieux pour les livrer ensuite à l'abandon. Elle s'évertue à assurer la propreté d'un parcours dit touristique alors que le reste des rues demeure crasseux, nauséeux et bourbeux. Elle confie à une coterie le revêtement des trottoirs dont le matériau se révèle, quelques semaines après, du toc. La politique des deux poids, deux mesures n'est pas moins patente dans la mesure où elle s'applique à libérer certaines artères des squatters tout en fermant l'œil sur les petits nababs qui accaparent le long des rues Abderrahmane Arbadji et Ali Amar. Une chasse bien gardée de ceux qui se considèrent comme des indétrônables. Pour se mettre à l'air du temps des façades peinturlurées en bleu et blanc, l'auguste administration enjoint aux commerçants de se plier à la règle de l'uniforme chromatique. Comme quoi, les couleurs indiquant chaque corps d'activité est une aberration coloniale. Dans la foulée, il ne manquait que la cerise sur le gâteau, car pour donner fière allure à une cité décrépite et être dans les bonnes grâces du prince, les gestionnaires de la commune font preuve de zèle intempestif en sommant, une nouvelle fois certains commerçants d'enlever les auvents, histoire de dégager la vue et dérouler le tapis pour « l'inaugurateur » du marché Ali Amar, le reste des rues n'est pas intéressant... Ils leur proposent, en contrepartie une nouvelle maquette sur des parois qui... menacent ruine. Comme quoi l'absurde ne tue pas.