Plus de 40 ans après les essais nucléaires français dans le Sahara algérien et la Polynésie, la France ne reconnaît toujours pas sa responsabilité à l'égard des victimes de ces expériences nucléaires. Publiquement interpellées, les autorités françaises doivent s'expliquer. Cela est d'autant plus vrai que Mme Edith Boizette, doyenne des juges d'instruction du pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, a désigné récemment Mme Anne-Marie Bellot et Mlle Anne Auclair-Rabinovitch pour l'ouverture d'une instruction judiciaire à ce sujet. Cette procédure, faut-il le rappeler, est le couronnement d'un combat de longue haleine mené par les associations des victimes des essais nucléaires français. Par le biais de Me Jean-Paul Teissonnière, avocat au barreau de Paris, une plainte a été déposée le 28 novembre 2003 contre X par l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), l'association Moruroa e Tatou (Polynésie) et onze autres plaignants. Parmi les griefs retenus par les victimes qui se sont constituées partie civile figurent l'homicide involontaire, l'atteinte à l'intégrité physique des personnes, l'abstention délictueuse et l'administration de substances nuisibles. L'ouverture d'une instruction judiciaire, estiment les victimes, « est une étape importante dans la demande de reconnaissance des dommages causés aux personnes qui ont participé aux 210 expériences nucléaires de la France au Sahara et en Polynésie française de 1960 à 1996 ». Me Jean-Paul Teissonnière a estimé, pour sa part, que l'Etat français doit reconnaître sa responsabilité dans les manques de précaution et la contamination des personnels des sites d'essais. Le cas échéant, cette reconnaissance devra être accompagnée, selon l'avocat des victimes, par la mise en place d'un fonds d'indemnisation. Selon les responsables d'AVEN, quelque 150 000 personnes ont participé involontairement et sans aucune préparation aux essais nucléaires français pendant plus de 36 ans. L'enquête médicale initiée par ce collectif a démontré que sur 720 vétérans environ 30% sont atteints de cancers. Les victimes algériennes inactives Si le gouvernement algérien a pris des mesures allant dans le sens de la protection des populations habitant les sites qui furent le théâtre de ces essais nucléaires, notamment les régions de Reggane, Kezzal et In Aker (Hoggar), le gouvernement n'a entamé aucune démarche auprès de l'Etat français pour l'indemnisation des victimes. « Rien n'empêche ces victimes de demander réparation auprès des autorités françaises », a déclaré, il y a une année, Mahmoud Khoudri, ministre des Relations avec le Parlement. Selon le député qui avait interpellé le gouvernement, les radiations nucléaires ont provoqué des dégâts incommensurables sur la santé des habitants, sur l'agriculture et sur les ressources en eau, d'où la nécessité de demander à la France de reconnaître les méfaits de ces expériences nucléaires. Pour rappel, la France avait fait exploser le 13 février 1960 une bombe atomique à Hamoudia, un village situé à quelque 60 km de Reggane dans le désert de Tanezrouft. Entre 1960 et 1966, la France avait opéré quatre essais atmosphériques et treize essais souterrains. Les autorités françaises ont toujours soutenu que ces essais étaient « propres » et qu'ils n'ont pas d'impacts dommageables sur la population et l'environnement.