Nacer Djabi analyse ici les derniers développements qui se sont produits au sein du FLN. Selon lui, l'éventuelle arrivée de Amar Saadani à la tête du parti sera synonyme de l'arrivée des «entrepreneurs-voyous» au sommet du FLN. Ce sont eux, dit-il, qui le mettront au musée. - Les événements se précipitent ces derniers jours au sein du FLN. Après plus de sept mois de crise latente, un ordre aurait été donné aux responsables de ce parti pour désigner rapidement le nouveau secrétaire général. Comment expliquez-vous ces derniers développements ?
Cette crise a tardé. Elle aurait pu être réglée un peu plus tôt. Car ce n'est pas normal pour un parti comme le FLN, qui a des fonctions au sein du système politique algérien, qu'il reste sans secrétaire général aussi longtemps. Ce n'est pas également normal qu'il reste dans cette situation. Mais il faut souligner que la crise au FLN est perpétuelle ; cette formation politique est toujours en crise depuis sa création en 1954. Cependant, celle-ci ne va pas l'affaiblir encore plus, comme elle ne le renforcera pas davantage. Elle est devenue, en quelque sorte, un mode de fonctionnement normal au FLN. De plus, il ne fait pas fonction d'un parti politique classique. De ce fait, ce ne sont pas ses instances qui vont élire le secrétaire général. Ce dernier est désigné en dehors des structures du parti et en dehors du CC, malgré le fait qu'on essaye toujours de soigner la forme en faisant croire à l'existence d'un suspense et d'un consensus. Toutefois, cette crise peut être plus aiguë, car le FLN n'a pas su produire des personnalités charismatiques qui peuvent assumer la fonction de secrétaire général. Cette situation est aggravée par l'intrusion de la chkara (pouvoir de l'argent) au niveau des instances et qui va arriver au sommet du parti avec l'élection de Saadani. Si ce dernier est élu cette fois-ci, ce sera une date marquante.
- Ne pensez-vous pas, justement, qu'avec l'intervention du ministère de l'Intérieur dans cette crise, il y a une volonté d'imposer aux membres du CC du FLN la candidature de Amar Saadani ?
Amar Saadani est un profil qui accepte toutes les sales besognes. Il va accepter ce qu'on va lui demander de faire. Et il n'aura pas le choix, car lui-même n'a jamais pensé qu'il pourrait devenir, un jour, SG du FLN. Et cela sera un moment critique dans l'histoire de ce parti. Je crois que l'élection ou la désignation de Saadani sera le début de la fin du FLN. Ce sont les gens de la chkara, qui ne sont pas de vrais militants, qui accéderont aux postes de responsabilité au FLN. Des pseudo-entrepreneurs vont arriver au sommet du FLN avec Saadani. Et ce sera une première dans les annales, puisque le parti a su, jusque-là, mettre en minorité ce genre de profil. Le coup de grâce du FLN interviendra avec la concrétisation de l'option Saadani.
- Y a-t-il une possibilité pour les membres du CC de contrecarrer cette option ?
Je crois qu'il y a plusieurs membres du CC qui vont être contre l'élection de Amar Saadani. Il peut y avoir de nouvelles alliances contre cette option. Elles (ces alliances) peuvent bloquer l'arrivée de cet homme, si elles parviennent à proposer un autre nom consensuel. Cette réunion du CC peut également déclencher le processus de dislocation du FLN. En tout cas, il y a plusieurs développements qui ont favorisé l'émergence, aujourd'hui, de ces pseudo-militants qu'on peut qualifier de «voyous». Il faut rappeler que ce genre de militants a toujours existé au FLN, mais ils sont devenus plus visibles du temps de Abdelaziz Belkhadem. Ce sera ces pseudo-enfants du FLN qui le mettront définitivement au musée.
- L'enclenchement du processus de règlement de la crise du FLN n'a-t-il pas un rapport avec la rentrée sociale et politique ?
Effectivement ! Le pouvoir est dans l'obligation de régler les problèmes du FLN et du RND avant la rentrée sociale. Il y a plusieurs enjeux qui arrivent, dont la prochaine présidentielle, la possibilité d'un remaniement du gouvernement, etc. D'ici la fin du mois de septembre et le début du mois d'octobre, les choses vont s'éclaircir davantage. Il peut y avoir de nouveaux rapports de force politiques en prévision de la présidentielle de 2014. Et la manière avec laquelle seront réglées les crises au FLN et au RND nous donnera des indices sur ces nouveaux rapports de force.