Aujourd'hui, les Suisses sont appelés aux urnes pour se prononcer sur des modifications de la Constitution visant à accorder facilement la nationalité helvétique. Mais la campagne a dérapé. L'Union démocratique du centre (UDC, un parti xénophobe), première force politique en Suisse, a lancé une campagne raciste contre la communauté musulmane. Pour se rappeler de telles attaques haineuses en Europe, il faut remonter aux années 1930, au temps du nazisme en Allemagne. Sur les murs des villes suisses, de grandes affiches montrent des rats noirs grignoter le drapeau suisse ou des mains brunes et noires, représentant l'Arabe et l'Africain, voler d'un cageot des passeports frappés de la croix helvétique. Et pour dénoncer le bradage de la nationalité suisse, des affiches avec la photo de Ben Laden sur une carte d'identité suisse ont été distribuées partout dans le pays. Depuis deux semaines, les Suisses et la communauté musulmane ont découvert dans la presse et dans leurs boîtes aux lettres une réclame contre les « naturalisations automatiques », prétextant que les musulmans pourraient être bientôt majoritaires en Suisse. Selon ses estimations, les musulmans seront 72% de la population en 2040. En affirmant que les musulmans seraient bientôt majoritaires en Suisse grâce aux naturalisations facilitées, les auteurs de cette annonce cherchent à faire peur. Le comité responsable de cette campagne, présidé par le Zurichois Ulrich Schlüer, a aussi décidé de la distribuer. Le message xénophobe de l'annonce contient une citation de Sami Aldeeb, un chercheur raciste de l'Institut suisse de droit comparé à Lausanne, qui affirme lui aussi que « dans vingt ans, les musulmans seront la majorité ». Les paroles indélicates de ce chercheur palestinien ont été exploitées pour noircir le portrait des musulmans de Suisse par l'UDC. Les autorités suisses demeurent silencieuses devant ce déferlement de haine. Le ministre de l'Intérieur, Christoph Blocher, qui devait défendre l'assouplissement de la loi sur la naturalisation facilitée, a plombé cette votation. Normal, parce qu'il est le chef de file de l'UDC. Jean-Jacques Roth, rédacteur en chef du journal Le Temps, seul journal suisse romand à publier l'annonce raciste, a affirmé que si on remplaçait dans la pub le mot musulman par juif, il refuserait catégoriquement de la publier. La communauté musulmane a tenté de dénoncer cette campagne raciste, sans succès. Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques suisses, explique qu'il est impossible de déposer plainte contre ce genre de publicité. Les représentants de la communauté jugent que les projections sur le développement des musulmans en Suisse sont absurdes.