La formule «L'hébergement chez l'habitant» a été incontrôlable, frisant parfois la folie côté locateurs, aussi les «dortoirs» à ciel ouvert se sont-ils multipliés, et bonjour l'incivisme... Au moment de lever le camp pour quitter la corniche après une saison estivale restée en travers de la gorge de beaucoup de mécontents à cause des désagréments qu'ils y ont subis, le bilan à faire de cette parenthèse, et même s'il est encore trop tôt pour l'établir, peut, cependant, se résumer à ces remarques, voire à ces critiques, récoltées ici et là au sein d'une opinion, agacée, il faut le dire, par tant d'incivisme et de négligence. Loin de mettre tout sur le dos des hôtes de la corniche, il est clair que beaucoup reste à faire pour parler d'une culture touristique sur la côte jijelienne. Les carences en infrastructures d'accueil sont le premier obstacle à la promotion de cette culture, qui reste l'apanage d'amateurs sans formation ni connaissances dans le domaine. L'hébergement, un des principaux facteurs de ce ratage, est devenu une affaire de personnes qui profitent du vide laissé par le manque d'investissements dans le secteur hôtelier. A Jijel, et face à la forte demande constatée sur les lieux d'hébergement, on s'est improvisé «hôteliers» pour mettre à la disposition des estivants des gîtes aménagés. Certains louent des appartements, d'autres proposent des chambres dans leur demeure même, pendant que des caves et des garages sont monnayés à des prix qui donnent le tournis. Des estivants ont été floués et se sont vus contraints de passer la nuit à la belle étoile après avoir pris «réservation» auprès de personnes sans scrupules qui ont changé d'avis pour louer leurs appartements au plus offrant. Les mesures prises par les ministères de l'Intérieur et des Collectivités locales et du Tourisme et de l'Artisanat pour contrôler ce qui a été appelé «L'hébergement chez l'habitant» n'ont pas eu trop d'impact sur cette activité restée coincée dans son giron informel. Sans trop de moyens, mais poussé par le désir de se rafraîchir en bord de mer, des estivants, fuyant la chaleur des villes de l'intérieur, se sont vus casés dans des conditions indignes. Le constat fait ne se limite pas à ces carences, mais s'étend à ces comportements véreux de commerçants, qui, profitant de cet exceptionnel afflux, ont doublé, voire triplé, les prix pour tirer le maximum de profits. Le modeste citoyen en a fait les frais. A la charge des vacanciers, il faut avouer que leur comportement sur les plages n'a pas été non plus un modèle de civisme. Des détritus, des bouteilles d'eau minérale, des restes d'épluchures, des couches pour bébés, bref, des dépôts d'ordures en bonne et due forme ont été laissées sur un littoral pollué de bout en bout. Pour finir, la circulation automobile, bloquée sur des axes routiers asphyxiés, a été l'autre facteur aggravant d'une saison à mettre très vite aux oubliettes. Face à de telles conditions, l'on se met de plus en plus à appeler à des solutions pour canaliser le flux effréné des foules, qui se déversent au même moment et au même endroit, sur la côte, «sinon, on va assister à l'avenir à de vraies catastrophes sur la corniche», avertit-on. Des «dortoirs» à ciel ouvert L'autre phénomène à déplorer, est celui des «dortoirs» à ciel ouvert. Apparus il y a quelques années déjà durant la saison estivale, ils deviennent décidemment une réalité bien ancrée dans la wilaya de Jijel. Il ne s'agit évidemment pas de dortoirs payants, mais juste d'espaces publics que l'on s'accapare pour tomber dans les bras de Morphée. L'ont a d'abord observé ces scènes au niveau de la plage Kotama, puis celles-ci se sont étendues au port de Boudis et aux artères près du front de mer. D'année en année, le phénomène prend de l'ampleur sans que l'on puisse y mettre un terme, avec tous les problèmes de sécurité et d'hygiène qui en découlent. Les routes nationales ont été par la suite prises pour espaces d'hébergement d'estivants tenant coûte que coûte à s'inviter au bord de la mer. La RN 43, surtout dans sa partie ouest, a été transformée en véritable dortoir par des milliers de personnes, jeunes ou familles entières. Cette année, la situation a pris des proportions inquiétantes puisque le phénomène avance sans trouver la moindre résistance devant lui. Le parking faisant face à la gare intermodale de Jijel où se déroulent généralement les examens pour l'obtention du permis de conduire, a été transformé en lieu d'hébergement improvisé, au grand dam des riverains. Plus à l'est, au niveau de la bande qui va de celle Kotama vers la plage du 3e Km, la longue allée bordée d'eucalyptus dite Mechekta, a servi d'hôtel à des centaines d'estivants qui y passent la nuit à la belle étoile. Près de la plage Kotama un nouveau phénomène encore a fait son apparition. Il s'agit de «logeurs» à bord de fourgon ou camionnette stationnés sur la chaussée. Des véhicules sont proposés, moyennant un prix, à des familles pour y passer la nuit dans un espace clos. La proximité de zones résidentielles a généré des conflits avec ces «logeurs» qui agissent en toute impunité. La permissivité dont profitent à outrance les estivants sans hébergement, les squatteurs de plages sans la moindre concession réglementaire, ou encore les gérants de parkings dont la limite est élastique à l'envi, fait le malheur des habitants et des estivants venus vivre pendant quelques jours le farniente. L'afflux extraordinaire d'estivants et pseudo-estivants enregistré cette année, dépasse de loin ce qui a été déjà vu à Jijel et dans les autres communes côtières comme Sidi Abdelaziz, Beni Belaïd, El Aouana ou encore Ziama Mansouriah. Ce rush a aiguisé l'appétit des loueurs d'appartements et de villas. Les prix ont connu une hausse vertigineuse atteignant même les 10 000 DA la nuitée dans un appartement. Si au moins ces rentrées d'argent se traduisaient par une hausse de la fiscalité générée par ce commerce à même de gonfler les budgets communaux et de wilaya ! Sur le plan fiscal le salarié demeure le dindon de la farce. A tout cela s'ajoute l'éternel problème de la circulation qui pénalise différents services dans leur propre activité. Des fonctionnaires se plaignent de ne plus pouvoir arriver à l'heure au bureau alors que d'autres rechignent à sortir en mission du fait des heures perdues sur la route. Si la trajectoire n'est pas rectifiée les prochaines années, aucun estivant ou habitant de la wilaya ne parlera plus de saison estivale, on attendra désormais «la souffrance estivale».