La mort d'un des derniers officiers putschistes d'Alger met au goût du jour l'amnésie qui gagne la France. Même le ministère de la Défense semble avoir oublié qu'en 1961, un coup de force militaire à Alger mit en péril la République… Lyon. De notre correspondant Après la mort dans la Drôme du commandant Hélie de Saint- Marc, militaire français qui a fait partie des officiers putschistes d'Alger en avril 1961, en France beaucoup d'officiels paraissent avoir oublié cet épisode peu glorieux d'une partie factieuse de l'armée qui s'éleva contre l'ordre républicain, escortée par les tueurs de l'OAS. Jean-François Gavoury, président de l'Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l'OAS rappelle que l'homme avait participé en 1961 au putsch d'Alger, «avec les conséquences qui s'ensuivirent pour sa carrière militaire (il fut arrêté, jugé, emprisonné, gracié puis réhabilité)». Le ministère de la Défense n'a pas mentionné cette partie de sa vie dans un premier communiqué publié quelques heures après sa mort, lundi 26 août. Ce texte soulignait «le parcours de vie exceptionnel» de l'homme. Le lendemain, le ministre Jean-Yves Le Drian, en personne, signait l'hommage, honorant également la mémoire «du grand patriote» dont il soulignait en un doux euphémisme «la complexité». M. Gavoury nous remet en mémoire que le militaire défunt fut fait, en 2011, grand-croix de la Légion d'honneur par le président Nicolas Sarkozy. «Celui qui servit dans la Wehrmacht est curieusement promu colonel, ce qu'il n'a jamais été». Ce n'est pas tout. Le préfet du Rhône, Jean-François Carenco, salue le «courage, l'humanité et la bravoure sans faille» d'Hélie de Saint-Marc. Philippe Cochet, maire de Caluire-et-Cuire et député du Rhône, dit s'incliner «respectueusement devant la mémoire de cet homme qui, par son parcours, constitue une référence morale et historique qui appelle nos consciences à la vigilance et à l'éveil face à toutes les formes d'oppression et de barbarie». «Je suis terrifié par ce silence d'occultation» De quoi consterner M. Gavoury qui a écrit au député : «Fils de la première victime causée par l'OAS au sein de la fonction publique de l'Etat, je suis terrifié par ce silence d'occultation, ce silence partisan, que vous gardez sur le putsch des généraux d'avril 1961 à Alger.» Troublant encore, l'hommage rendu par le sénateur-maire socialiste de Lyon, Gérard Coulomb, qui dit avoir appris la disparition «avec émotion et tristesse». M. Colomb ajoute : «C'était un homme d'honneur, une figure d'une extrême intégrité, un être authentique habité d'un humanisme profond.» Etonnant panégyrique qui fait le grand écart en rejoignant les hommages de l'extrême-droite. Christophe Bodot, le candidat du Front national aux municipales de 2014 à Lyon reprend les mêmes termes que le maire socialiste. Il rétablit d'ailleurs la vérité que la classe politique de droite comme de gauche élude : «Il fut fidèle à ses convictions profondes en prenant le parti de l'Algérie française contre De Gaulle qui avait trahi la parole donnée.» Quant à Bruno Gollnich, il en profite pour remettre à jour ses sentiments anti-algériens et anti-républicains : «On tentera à l'occasion de sa mort de distinguer, entre ses engagements, ceux qui demeurent ‘‘politiquement corrects'' de ceux qui sont toujours calomniés, comme le fait de s'être dressé contre l'affreux abandon, par le pouvoir politique, de nos compatriotes d'Algérie, ‘‘pieds-noirs'' chassés de leur terre, harkis livrés aux égorgeurs, etc. Ce qui lui valut cinq années de prison.»