L'avenir de l'usine Michelin Algérie sombre dans le flou le plus total. L'usine, située à Bachdjerrah (Alger), qui devait être reprise par le groupe privé algérien Cevital, va fermer d'ici fin octobre. Or, le gouvernement algérien a décidé d'user du droit de préemption de l'Etat sur toute cession d'actifs pour s'opposer à cette transaction. De source syndicale, on affirme que le ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements a décidé, mercredi dernier, de lancer la procédure. Pourtant, du côté du département de Cherif Rahmani, on refuse de confirmer ou d'infirmer l'information. Hier encore, le ministre de l'Industrie, interpellé par la presse à ce sujet, a éludé la question et a refusé de s'exprimer à propos du dossier. Ce qui laisse libre cours à toutes les spéculations. Les syndicalistes sont, de leur côté, affirmatifs. Le député du Parti des travailleurs (PT), Smaïn Kouadria, n'en démord pas : c'est le Premier ministre qui a instruit le ministère de tutelle d'user du droit de préemption dans le dossier Michelin Algérie, instruction qu'on a décidé de faire suivre par courrier au principal concerné. Les travailleurs de l'unité de pneumatiques de Bachdjerrah ont bien accueilli la nouvelle, d'autant qu'ils ont passé une partie de l'été au chômage technique. Cependant, le dossier Michelin Algérie pourrait être plus complexe qu'il n'y paraît. D'autant que Cevital compte jouer d'un certain nombre d'arguments à sa disposition pour faire face à l'éventualité d'une opposition du gouvernement à la reprise de l'usine Michelin. Le patron du groupe privé algérien, Issaad Rebrab, avait indiqué il y a quelques mois que l'usage du droit de préemption sur la cession d'actifs détenus par des investisseurs étrangers par le gouvernement algérien serait inadéquat du point de vue réglementaire dans son cas puisque Cevital n'a racheté aucune part du capital social de Michelin Algérie. En réalité, le groupe algérien n'a fait que souscrire à une augmentation de capital à laquelle a procédé Michelin. Ce qui permet aux deux entreprises de contourner habilement la contrainte règlementaire imposée par le droit de préemption. Autre argument et non des moindres, l'on affirme que Michelin Algérie a prospecté auprès du secteur public autant que du côté du secteur privé afin de trouver des repreneurs susceptibles de préserver les 650 emplois de l'unité de Bachdjerrah. Or, seul le groupe Cevital s'est manifesté pour reclasser l'ensemble des salariés. Ce qui pousse nos sources à prétendre que le gouvernement algérien avait toute la latitude de réaliser une joint-venture avec Michelin pour sauver l'activité pneumatique et, pourquoi pas, créer une nouvelle usine de taille mondiale, pour à la fois répondre au marché local du pneu et exporter massivement. Rappelons que depuis sa réouverture en 2002, l'usine Michelin Algérie se consacrait à la production de pneus pour les poids lourds. Néanmoins, en raison de contraintes liées à la crise et à la baisse de la demande mondiale ainsi que du manque de compétitivité de l'unité de Bachdjerrah, le groupe français a décidé d'arrêter la production en Algérie et de ne conserver que l'activité commercialisation. Au début de l'été, Cevital annonçait son entrée dans le capital de Michelin Algérie à hauteur de 67%. Le groupe privé algérien s'était engagé à reclasser tous les salariés indépendamment de l'activité ultérieurement envisagée sur le site de Bachdjerrah.