Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a qualifié, hier, de «crime de guerre» le massacre aux armes chimiques commis en Syrie le 21 août et certifié par le rapport des experts. Bien que ce rapport n'ait pas désigné de responsable, Ban Ki-moon a lancé un appel à peine voilé au régime de Damas qu'il a pratiquement condamné, vendredi dernier, comme étant le coupable dans ce scabreux gazage d'enfants. Il a, certes, demandé à ce que les responsables rendent compte de ce massacre «méprisable», mais il ne les a pas clairement identifiés. Ban Ki-moon s'est aussi gardé d'évoquer un éventuel recours à la force contre le régime syrien si jamais celui-ci refusait d'accélérer le démantèlement de son arsenal d'armes chimiques. Pour ce faire, il a demandé «instamment» au Conseil de sécurité une résolution «claire» sur la base de l'accord américano-russe sur le désarmement chimique en Syrie, conclu samedi à Genève. Précisément, cet accord est sujet à différentes interprétations selon qu'on soit partisans ou adversaires du régime syrien. Celui-ci prévoit notamment qu'en cas de non-respect (par Damas de ses engagements), le Conseil de sécurité devrait appliquer des mesures «sous chapitre 7 de la Charte de l'ONU». Ce chapitre prévoit des sanctions pouvant aller jusqu'à l'usage de la force si un pays ne respecte pas une décision du Conseil. Commentaire mesuré de Ban Ki-moon : «Je suis d'accord qu'il doit y avoir des conséquences (pour Damas) en cas de non-respect», a-t-il déclaré, évitant soigneusement d'évoquer expressément de frappes militaires. Or, lors d'une rencontre franco-britannico-américaine hier à l'Elysée, John Kerry, Laurent Fabius et William Hague ont jugé «essentiel» de parvenir à une résolution «forte et contraignante» et d'obliger Damas, selon un «calendrier précis», à dresser l'inventaire de son arsenal chimique et à le faire vérifier jusqu'à son démantèlement d'ici la mi-2014, selon Paris. Paris veut forcer la main à Washington Le triumvirat ne s'est pas empêché d'envisager, quoique des bouts lèvres, le recours à la force, par la voix de M. Fabius qui a évoqué des «conséquences sérieuses». Cette déclaration est conforme au projet de résolution française de la semaine dernière, que la Russie a décrété «inacceptable». John Kerry semble lui aussi entretenir le flou puisqu'il a déclaré que l'accord (de Genève) «engage totalement les Etats-Unis et la Russie à imposer des mesures sous le chapitre 7 en cas de non-application». Face à ces voix discordantes venant de Paris, Moscou a réagi hier en affirmant compter sur Washington pour ne pas aller plus loin que l'accord agréé à Genève. «Si quelqu'un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c'est une voie qui suggère à l'opposition au régime qu'on attend d'eux de nouvelles provocations et c'est même une voie qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2», la conférence de paix qu'Américains et Russes tentent d'organiser depuis trois mois, a prévenu M. Lavrov. Moscou fait de la résistance De son côté, le régime syrien a estimé, hier, qu'une éventuelle action armée contre son pays constitue «une menace pour toute la région» et «un parfum d'agression». Pour le ministre syrien de l'Information, Omrane Al Zohbi, l'accord de Genève est «une victoire pour la Syrie». «Nous acceptons le plan russe de nous débarrasser de nos armes chimiques. Nous avons en fait commencé à préparer notre liste de cet arsenal.» En attendant la publication, hier en début de soirée, du rapport devant le Conseil de sécurité, on sait d'ores et déjà que les enquêteurs de l'ONU ont trouvé des «preuves flagrantes et convaincantes» du recours au gaz sarin il y a près d'un mois. C'est du moins ce que confirme la première page de ce document, remis hier à M. Ban par le chef des inspecteurs, Aake Sellström. Il y est consigné noir sur blanc que «des armes chimiques ont été utilisées sur une échelle relativement grande» au cours du conflit syrien «contre des civils, y compris des enfants». Mais malgré la gravité de ces accusations «contre X», parce que les inspecteurs ne sont pas tenus de dire qui en est responsable, l'accord russo-américain sur le démantèlement des armes chimiques semble avoir désactivé l'action armée. Ayant senti le danger, le régime de Bachar Al Assad s'est employé à préparer la liste et la localisation de son arsenal chimique pour sauver sa tête. Jusqu'à quand ?