Le secteur de l'agriculture vient d'être touché par le changement de l'équipe gouvernementale de la semaine dernière avec le départ de Rachid Benaïssa et son remplacement par le wali de Tlemcen, promu ministre pour la première fois, Abdelwahab Nouri. Pris en dehors du contexte politique que traverse le pays dans la conjoncture actuelle marquée par l'approche de l'élection présidentielle de 2014, le changement à la tête du ministère de l'agriculture et du Développement rural ne peut être que salué dans la mesure où il pourrait mettre fin au statu quo qui règne dans le secteur et les vulnérabilités qui n'épargnent aucune filière. Néanmoins, en considérant les véritables mobiles du dernier remaniement qui a touché un grand nombre de départements ministériels, d'aucuns constatent qu'à travers cette démarche les hautes sphères du pouvoir relèguent encore une fois le développement réel et effectif des secteurs-clés de l'économie nationale à un degré bien au-dessous des calculs bassement politiciens dont ils sont préoccupés à la veille d'une élection capitale qui est la prochaine présidentielle. Sinon, quelle interprétation donner à la nomination du désormais ex-wali de Tlemcen à la tête d'un ministère régissant des secteurs névralgiques comme l'agriculture et le développement rural. Ce n'est assurément pas la lecture faite par le premier ministre, Abdelmalek Sellal, à propos du nouvel Exécutif qui en sera convaincante. Le premier ministre déclarait, en effet, en réagissant à ce remaniement que «la priorité a été donnée pour les secteurs de l'industrie et de l'agriculture à la faveur de ce changement au sein du gouvernement». Maintenir le statu quo Certes, le changement à la tête du ministère intervient dans une conjoncture marquée par la montée des tensions qui affectent de plus en plus les filières stratégiques, notamment celles des céréales dont les importations ont explosé ces derniers mois, les viandes rouges et blanches entrées dans une interminable spirale de flambée et la pomme de terre dont les prix connaissent une véritable dégringolade depuis quelques mois déjà. Mais le redressement d'un secteur requiert la mobilisation de compétences maîtrisant les rouages et les différents aspects du secteur. Dans ce cas, il ne sera pas facile d'établir un lien entre les insuffisances dont le secteur souffre et le nouveau ministre Abdelwahab Nouri. La lecture des grands axes de la biographie du nouveau ministre n'indique à aucun moment une expérience quelconque de ce dernier avec le secteur agricole : «Avant sa nomination en tant que ministre de l'Agriculture et du Développement rural, M. Nouri était wali de Tlemcen, Aïn Defla, Skikda et Sétif. Il était également Inspecteur principal des finances, magistrat, directeur de l'école de formation administrative de Guelma et Chef de Daïra», est-il souligné au sujet du parcours du nouveau ministre. A travers cette nomination, les agriculteurs sont plus que convaincus que le statu quo sera maintenu, du moins durant toute cette période pré-électorale, et ce, bien évidemment loin de remettre en cause le nouveau ministre de tutelle. En guise de première déclaration en sa qualité de ministre de l'agriculture, M. Nouri a souligné le rôle du «dialogue, la concertation et la compétence seront les qualités essentielles qui permettront d'aller encore de l'avant afin de concrétiser les programmes de développement assignés au secteur.» En tout cas, ce n'est qu'une fois passé le rendez-vous de la présidentielle que les pouvoirs publics procéderont à la nomination de nouveaux responsables sectoriels qui s'occuperont réellement des préoccupations des populations et acteurs internes à chaque secteur respectif. Tandis que le gouvernement actuel n'a pour mission que la canalisation et la maîtrise de la scène politique au profit d'un projet politique en lien direct avec la présidentielle prochaine. En outre, concernant le secteur de l'agriculture lui-même et le climat qui y règne, même au sommet de l'Etat il est difficile de ne pas admettre une situation peu enthousiaste. Durant les cinq dernières années, le secteur a été marqué par la mise en œuvre de la politique de renouveau rural et agricole à la faveur de laquelle diverses opérations ont été menées à plusieurs niveaux et dans différentes filières du secteur. Néanmoins, à l'exception de certaines filières comme les productions maraîchères, comme la pomme de terre dont le pays arrive à atteindre le niveau de l'autosuffisance, aucun résultat palpable ne mérite d'être relevé si ce n'est les dépenses colossales et la contribution à la florescence des pratiques informelles et de corruption dans le secteur. Des subventions et des interrogations Dans tous les cas de figure, les projets réalisés durant cette période sont loin d'être l'objet de satisfaction si l'on tient compte de leurs coûts : plus de 1000 milliards de dinars ont été mobilisés au titre du programme quinquennal (2010-2014). Les subventions, quant à elles, mobilisent une moyenne dépassant les cinq milliards de dollars par année, et ce, uniquement au titre du soutien des prix des produits de large consommation dans le cadre du système de régulation du marché, sans compter les diverses autres subventions dont bénéficient certaines catégories de producteurs en amont (acquisition de semences, produits phytosanitaires, équipements agricoles, etc.). A la faveur de l'embellie financière que connaît le pays avec le raffermissement des prix du pétrole sur le marché international, les pouvoirs publics ont fini par faire de l'agriculture un secteur budgétivore et rentier par excellence. Les agriculteurs se sont imprégnés de ces réflexes contreproductifs, qui sont l'assistanat et le ralliement de courants politiques proches du pouvoir en place, depuis la décision improvisée à la veille de l'élection présidentielle de 2009 lorsque le chef de l'Etat et le désormais ex-ministre de l'agriculture annoncent l'effacement de quelque 40 milliards de dinars de dettes des agriculteurs. Laquelle décision est loin d'avoir des répercutions positives sur le secteur. En d'autres termes, la généralisation des subventions sur laquelle ont misé les pouvoirs publics durant cette période n'a fait qu'encourager la multiplication des actes de corruption dans le secteur et des pratiques assimilables au détournement pur et simple de deniers publics. Pour ne rappeler que le récent épisode de la reconduction des mesures relatives à la suppression des taxes sur l'importation d'intrants pour la fabrication d'aliments de volaille contestée par les éleveurs eux-mêmes, affirmant que les mesures de cette nature profitent aux lobbys de l'import-import au détriment de la production locale.