Maryam, du cinéaste Bassel Al Khatib, figure parmi les rares films syriens produits ces trois dernières années. Cela ressemble à une chronique historique de la Syrie pendant un siècle. Oran. De notre envoyé spécial
La pluie est partout dans Maryam, le dernier long métrage du Syrien Bassel Al Khatib, projeté jeudi soir à la salle Maghreb à Oran en compétition officielle du 7e édition du Festival d'Oran du film arabe (FOFA). La pluie pour, sans doute, intensifier le drame raconté le long d'un film débordant d'émotion jusqu'à l'étouffement. La musique est convoquée pour forcer le trait, arracher une larme au spectateur. Ou peut-être un petit pincement au coeur. Le noir qui voyage à travers les âges et les époques de l'histoire racontée à la manière «d'un drame» télévisé souligne que l'on est devant un film de Bassel Al Khatib. Un Bassel Al Khatib qui a passé ces douze dernières années à réaliser des feuilletons pour le petit écran. Le cinéaste a donc «acquis» de bien mauvais réflexes. La fiction, co-écrite avec Talid Al Khatib, frère du cinéaste, est bâtie sur le récit de trois femmes qui portent le même prénom : Maryam. Il y a d'abord celle qui vit en 1918 (Lama Al Hakim). A cette époque, la partition du Moyen-Orient devait commencer après l'effondrement de l'Etat ottoman. Maryam court derrière une jument noire dans une forêt sous la pluie. Dans son élan, la jument est «bloquée» dans la boue. La Syrie d'aujourd'hui ? Fort possible. Maryam a une belle voix, et un homme fortuné (Assaâd Fedha) veut l'adopter pour qu'elle chante dans ses salons à la tombée de la nuit. Pour faire oublier la guerre ? Les dangers ? L'autre Maryam (Soulaf Fawakhrji) est chrétienne. Elle se retrouve prise au piège de la guerre. L'aviation israélienne bombarde la Syrie après la prise du pouvoir par le parti Baath à Damas. A cette époque, juin 1967, Israël occupe le Golan. Maryam, qui échappe de justesse à la mort après l'effondrement d'un église, tente de sauver la vie de Zeina, sa fille. Elle est aidée par un soldat blessé. Blessé mais courageux. Il le faut bien ! Et la troisième Maryam (Dima Qondolfout) est chanteuse dans le Damas de 2012. La vie est belle dans la capitale syrienne, n'est-ce pas ? Maryam, petite-fille de Hayat (Sabah El Jazaïri), sœur de Maryam de 1918, est scandalisée par au moins deux choses : une grand-mère jetée dans un hospice, et un fiancé dont la famille ne veut pas qu'il se marie avec... une chanteuse. That's the question ? L'histoire est ainsi racontée. «Doit-on mourir pour la patrie ou vivre pour elle ?», question maintes fois répétée par un des personnages, souligne que le film est sur un registre politique bien défini. La fin de la fiction relève presque de la propagande pour l'armée syrienne. «Il ne reste plus rien. Mais, l'amour reste», annoncé dès le début du film, apparaît comme un slogan pour un long métrage portant tous les stigmates des douleurs actuelles du Cham, mais également des dérives, des oublis, des crimes. Les gros plans, les scènes d'action, les dialogues soignés ne sauvent pas un film «assassiné» par un débordement visqueux de symbolisme et de quête mal emballée de susciter la sympathie. «1918, 1967 et 2012 sont des époques importantes de l'histoire de la Syrie. L'histoire de la Syrie avec la paix et avec la guerre. Nous avons voulu raconter tout cela à travers la vie et les sacrifices de trois femmes. La femme se sacrifice pour protéger sa famille et se protéger elle-même», a déclaré Bassel Al Khatib à la presse après la projection du film. L'évocation de la femme chrétienne, la femme druze et la femme musulmane se veut, d'après lui, l'expression de la diversité de la Syrie. «Un pays mosaïque sur le plan religieux et ethnique. Cette unité nationale est en perte en raison des événements que connaît la Syrie. L'unité humaine et religieuse, c'est quelque peu le propos du film, peut nous aider à nous débarrasser de la crise. Cela aide aussi à être plus fort pour affronter les défis. La situation en Syrie est très compliquée. Difficile d'évoquer le futur ou de prévoir ce qui va se passer», a-t-il ajouté. Bassel Al Khatib, qui dit détester «la symbolique» dans le cinéma, a relevé que son film porte des indices sur les événements actuels. Aucun film syrien selon lui ne peut faire l'impasse sur cette situation. «Il y a des gens qui meurent pour que d'autres vivent. C'est une vérité éternelle», a-t-il noté. Il a expliqué que le tournage du film en Syrie s'est déroulé dans des conditions difficiles. «Je salue les acteurs et les techniciens pour leur courage. Nous partions pour le tournage et nous n'étions pas sûrs de revenir. Je pense qu'une protection divine a éloigné les dangers de nous», a confié le cinéaste. Après un précédent refus au Festival du Caire, Maryam sera bientôt en compétition au Festival d'Alexandrie en Egypte. Les donnes politiques ont bel et bien changé en Egypte...