Les familles locataires demandent à être relogées avant l'arrivée de l'hiver. Plus d'une centaine de familles à Bouira vivent encore dans des conditions de vie inhumaines. Les murs de leurs masures sont fissurés. Le toit fait de tuile et en grande partie de tôle n'est plus en mesure d'empêcher la pluie de s'infiltrer dans les pièces datant de près d'un siècle. Les haouchs qui formaient le centre ville de Bouira se sont transformés en de véritables gourbis. Une immersion dans ces haouchs a permis de constater l'ampleur de la précarité et du danger qui guette 125 familles et leurs enfants. «Je suis arrivée ici dans les années 60. Et depuis, les choses n'ont pas changé. Elles se dégradent de plus en plus. Les responsables locaux ne veulent pas voir de plus près dans quelles conditions vous vivons», dit une vieille femme qui habite dans un haouch de la rue Abane Ramdane. Sa voisine vient à son tour nous convier à entrer dans sa demeure. Deux étroites pièces où ses enfants mangent et dorment. Au moment de notre passage, un de ses fils dormait encore dans la cuisine. Abdelkader, représentant des haouchs de la rue Abane Ramdane, nous a montré où il vit avec sa famille. Une baraque. «Nous voulons que les responsables viennent voir comment on vit dans ces taudis», souligne Abdelkader. Plusieurs familles partagent ces petits espaces insalubres. À quelques dizaines de mètres de là, près d'une vingtaine de familles vivotent dans un haouch dont la superficie avoisine les 300 m². Au niveau des haouchs de la rue Aissat Idir, les locataires attendent deux choses. Soit les autorités locales procèdent à leur relogement dans les brefs délais, soit, et c'est le pire des cas, leurs maisons fragilisées leur tombent dessus. Ait Kaci Aziz, un représentant de ce quartier, qui a servi comme guide pendant notre virée, ne souhaite pas dire quoi que ce soit. «C'est nos habitations qui parlent pour nous. Qu'est ce qu'ils attendent pour nous reloger. Et, si le chef de daïra dit ne pas pouvoir prendre de décisions, c'est le wali qui doit intervenir», soutient Aziz. «51 ans d'indépendance et nous vivons encore avec les rats», pouvait-on lire sur une banderole accrochée à l'entrée d'un haouch de la rue Aissat Idir. «C'est Imane et Mohamed, des cousins de 14 et 12 ans qui ont écrit cette phrase», dit Aziz. Une fois à l'intérieur, une femme nous interpelle : «Entrez pour voir où nous dormons moi et mes enfants. C'est dans cette pièce étroite. Avant, tous les habitants du haouch utilisaient des toilettes collectives. Mais nous sommes obligés de les supprimer», souligne Aziz. Dans une habitation d'à côté, une vieille femme de 95 ans voit ses jours s'égrener sous un toit précaire, qui risque de s'écrouler à tout moment. Une pièce de 3 m² est à la fois la salle de bain et la cuisine. «Nous vivons dans cette maison depuis de longues années. Les rats nous sont familiers maintenant. Nous sommes contraints, moi, mon fils et sa femme ainsi que leur fille à partager ces deux pièces. On n'a pas d'autres choix que d'attendre», raconte la vieille dame. Ses voisins du haouch, dont une famille victime du terrorisme, partagent les mêmes soucis du quotidien. «Si ces maisons tiennent encore debout et ne nous tombent pas dessus, c'est par la volonté de Dieu», enchaîne un vieil homme rencontré dans un haouch voisin. Les autorités locales avaient déjà assuré les locataires qu'un programme de logement a été prévu pour leur recasement à la sortie est de la ville, selon les représentants des quartiers. Le projet est tombé à l'eau au bout de quelques mois. Ces derniers affirment que l'ancien chef de daïra de Bouira, M. Heddam Mustapha, avait également affirmé que le projet des 152 logements, situé au nord de la ville, est destiné à accueillir les familles locataires des haouchs. «Les dossiers des locataires des cinq haouchs à savoir haouch Takhlicht, Ouabdesslam, Amar Khoudja, Ouchen, Malika Ouadi sont ficelés depuis une année. Les enquêtes des services concernés ont été effectuées durant le mois de mars dernier. Mais, nous ignorons ce qu'ils attendent pour nous reloger et mettre un terme à nos souffrances», affirme Aziz Ait Kaci. «Nous tenons à souligner qu'on n'est pas en train de menacer les autorités locales. C'est vrai qu'ils nous ont menés en bateau pendant plusieurs années et aujourd'hui ce que nous leur demandons c'est du concret. Qu'ils nous rassurent que nous aurons nos logements», poursuit Boudina Abdelkader. Ces représentants estiment que ces haouchs délabrés sont indignes de porter les noms des héros de la révolution comme Abane Ramdane, Aissat Idir, etc. «Cela ne fait que salir leur mémoire», disent-ils. Toutefois, face aux doléances des locataires qui durent depuis de longues années, les pouvoirs publics font encore la sourde oreille. Des dizaines de protestations ont eu lieu à Bouira. Les locataires veulent l'application de la directive du Premier ministre qui consiste à affecter les logements aux bénéficiaires si le projet dont le taux d'avancement est à 80 % et être relogés avant l'hiver. La balle est à présent dans le camp des autorités. Il y a péril en la demeure.