L'histoire commence au début des années 1970. Dans l'euphorie de l'Algérie indépendante, le président Boumediene lance, en grande pompe, un " plan de rééquilibre régional ". L'idée paraissait lumineuse : chaque région du pays devait avoir une usine industrielle. Le président socialiste avait mis un point d'honneur à ce que ces " fleurons " de l'industrie algérienne soient placés dans les régions les plus enclavées. De nombreuses années plus tard et après que l'Algérie eut connu de multiples changements, le conte se transforme en cauchemar. D'après les chiffres transmis par l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta), le plan de dissolution de 142 entreprises publiques économiques (EPE) arrêté d'un commun accord entre la direction nationale de l'Ugta et le ministre de la Participation et de la Promotion de l'investissement aura pour conséquence directe la perte d'emploi de 13.820 travailleurs. Le secteur du textile représentait pourtant dans les années Chadli 30% du secteur industriel dont 43% pour le secteur privé et 11% pour le secteur public. Le nombre de travailleurs dans ce secteur n'avait pas cessé d'augmenter, atteignant 135.700 en 1990 avant de redescendre à 87.800 dans les années 2000. La chute a été dramatique. D'après les dernières statistiques, il n'y a aujourd'hui que 57.000 salariés dans le secteur des cuir et textile (représentant une baisse de 47% en 10 ans). Les travailleurs dans les entreprises publiques ont été les premiers à pâtir de la débâcle du textile. Il y eut ainsi une compression de près de 60% des salariés dans les entreprises publiques contre 28 % dans le privé. Le chiffre d'affaires industriel est passé de 10% à 5% (1,6 milliard de dollars en 1989 à contre 0,5 milliard de dollars en 2000.) En 2002 le textile a produit 4,4 % de rendement industriel hors hydrocarbures. Mais les autorités n'attendent plus rien de ce secteur aujourd'hui. D'après les experts du secteur, la dégringolade s'est déroulée en trois temps. Première étape : alors que, du temps de Boumediene, les pouvoirs publics avaient mis le paquet pour ces entreprises, ils n'ont pu renouveler les équipements, devenus obsolètes à l'époque de Chadli. Deuxième étape : l'ouverture du marché au début des années 90 a fait que les produits algériens ne pouvaient soutenir la concurrence de produits obtenus ailleurs par des moyens technologiques plus performants. Troisième étape : dès l'année 1994 est apparu de manière plus flagrante le " trabendo " et la naissance du marché de l'informel. A ce système économique perturbé de l'intérieur, s'ajoute une crise mondiale due à l'émergence des pays asiatiques. Les patrons des entreprises des textile et cuir se retrouvent ainsi coincés entre le marteau des licenciements de travailleurs qui ne savent où aller et l'enclume de la réalité du marché.