En retirant le projet de loi sur les télécoms qui devait être adopté à l'APN, le gouvernement a choisi de passer à côté d'une occasion rêvée de rattraper son retard dans le secteur. Pour nous, consommateurs, voilà à quoi nous devrons renoncer. Le nouveau gouvernement a retiré le projet de loi sur les télécoms. Il ne sera donc pas étudié à l'APN qui l'avait examiné sans l'adopter en février dernier. Que proposait ce texte ? D'importantes modifications à la loi du 5 août 2000, toujours en vigueur, pour moderniser le secteur. Comme aucune modification ou nouveau texte de loi ne pouvant être soumis à nouveau à l'APN avant un an, ce sont sept ans de discussions qui partent en fumée. «C'est une première dans les annales !, s'insurge Younès Grar, expert en technologie de l'information et de la communication. On n'a jamais vu une loi arriver sur le bureau de l'APN, être débattue puis remise en cause et retirée.» Lakhdar Benkhalef, député et membre de la commission parlementaire des transports, transmission et télécommunications, regrette que l'Algérie prenne «encore une année de retard dans le domaine des télécommunications. Nous sommes les derniers dans le classement arabe et africain dans ce secteur et nous allons encore prendre du retard». Qu'est-ce que cela va changer pour nous ? Explications. Adieu la portabilité Le texte prévoyait la possibilité pour l'abonné de changer de numéro de téléphone sans changer d'opérateur, tout en bénéficiant des différentes options et offres. Résultat pour le marché : plus de concurrence et pour le consommateur, des tarifs moins cher, un maillage plus dense et une meilleure qualité de service. «C'est une grande perte, affirme Mustapha Zebdi, secrétaire général de la Fédération algérienne des consommateurs. On a cru à la victoire. Nous avons mené un combat pour que cette option soit adoptée.» Une journée d'étude a été organisée au Parlement en décembre 2012 pour convaincre l'ARPT et le secteur des télécommunications sur la nécessité de commercialiser ce service. «Nous avons fait face à des interlocuteurs peu convaincus, mais nous avons fini par les persuader et cette option a finalement été retenue dans la nouvelle loi», affirme-t-il, tout en exprimant son inquiétude de ne plus voir cet article introduit dans le nouveau texte. «Nous allons donc mener le même combat pour maintenir ce service tant attendu par les citoyens.» Exit le roaming national Si Zahra Derdouri, la nouvelle ministre du secteur, a préféré parler, la semaine passée, du besoin de «renforcer le roaming entre les pays arabes», Mustapha Zebdi pense qu'il faut favoriser d'abord un roaming national, ce qui était prévu dans le texte. En clair, ce service permet à l'abonné de balancer automatiquement d'un opérateur vers un autre, s'il est en dehors de la zone de couverture. La ministre a annoncé lors de la 17e session du Conseil des ministres arabes des technologies de l'information et de la communication (TIC), que des conventions bilatérales ont été signées entre l'Algérie et la Tunisie et des études sont en cours pour renforcer le travail avec tous les Etats arabes, notamment l'Egypte, de manière, entre autres, à réduire les tarifs des communications téléphoniques entre les pays. «Il faudrait d'abord que la ministre pense à nous. Les chiffres annoncés, selon lesquels le pays est couvert à 99% par le réseau de téléphonie, est un mensonge. Ce service est plus qu'une priorité et le retrait de la loi est, là encore, un recul pour le consommateur. Nous avons besoin de plus de net dans les foyers, une facturation modérée et plus d'options», insiste Zebdi. Bye-bye le dégroupage Techniquement, il s'agit d'une opération permettant l'ouverture du réseau téléphonique local à la concurrence. Les opérateurs tiers n'ont, pour l'instant, pas accès à la boucle locale qui appartient à Algérie Télécom. Pour les consommateurs, cela implique une réelle concurrence dans les offres commerciales de l'ADSL et donc des prix plus bas. Les experts sont unanimes : le dégroupage est l'instrument par excellence du développement d'internet. Le projet de loi dans son article 123 précisait que «les opérateurs de réseaux publics de télécommunications fixes sont tenus de donner droit aux demandes de dégroupages émanant d'autres opérateurs». «Algérie Télécom a des problèmes pour étendre son réseau, tirer les câbles nécessaires à la création de nouvelles lignes. Avec le dégroupage, il y aurait eu plus de budget, plus de moyens humains et cela aurait permis de faire appel à des entreprises privées sous-traitantes», explique Younès Grar. C'est d'ailleurs l'absence de dégroupage qui a conduit l'opérateur égyptien Lacom à la faillite en 2008. «Avec le dégroupage, Algérie Télécom louera ses capacité de réseau à des entreprises privées qui se chargeront d'offrir d'autres options, comme par exemple l'augmentation de densité de l'ADSL et refaire de manière plus performante l'expérience du provider internet EEPAD. Algérie Télécom aurait pu souffler et les consommateurs auraient pu bénéficier de nouvelles TIC», selon Farid Farah, spécialiste en technologies de l'information et de la communication. Ali Kahlane, président de l'association Provider confirme : «Le dégroupage total ou partiel permet à un opérateur d'utiliser enfin les infrastructures d'Algérie Télécom pour fournir des services ajoutés, le rêves de plusieurs fournisseurs de services depuis plus de dix ans.» Au revoir la gratuité La loi retirée introduisait aussi, pour la première fois, le concept d'opérateur de réseau mobile virtuel, autorisé à louer les ressources des opérateurs existants en proposant aux usagers des services gratuits, comme ML6 Mobil en France. «La création d'opérateurs MVNO (Mobile Virtual Network Operator) est une bonne chose. J'applaudis à cette possibilité qui est donnée à un opérateur d'exister sans un grand besoin dans l'investissement lourd d'infrastructures», explique Ali Kahlane. «Avec plus de contrôle fiscal et d'efficacité, en plus des services, des SMS et des heures de communication gratuites, les prix baissent», selon Farid Farah.