Comme en 1973, lors de la fameuse guerre d'Octobre, «Kippour» côté israélien, les Egyptiens ont versé, hier, des larmes et du sang pour marquer le 40e anniversaire de la défaite des armées arabes. Ironie du sort, c'est entre Egyptiens que le massacre a eu lieu cette fois. Au moins 28 personnes, entre partisans et adversaires du président déchu Morsi, ont péri dans de violents affrontements au Caire et dans d'autres villes. Les partisans de Morsi qui ont voulu titiller l'ego patriotique des Egyptiens surfant sur la commémoration de la guerre d'Octobre, considérée comme une victoire sur Israël, ont été stoppés net dans leur élan par les forces de sécurité et un «bataillon» de bras alliés du nouveau régime.La volonté des pro-Morsi de défendre, dans la rue, le retour à la «légitimité constitutionnelle» s'est brisée face à celle des partisans du nouveau pouvoir qui ont demandé aux Egyptiens de descendre massivement dans la rue pour soutenir l'armée et les autorités. Ce face-à-face a forcément viré au cauchemar. L'armée, qui réprime dans le sang depuis près de deux mois toute manifestation des pro-Morsi, avait déjà planté le décor en bouclant tous les accès aux grandes places, notamment la célèbre place Tahrir. A l'heure où nous mettons sous presse, on ne sait pas encore quel camp a fait les frais de ce terrible corps à corps qui reprend de plus belle, plongeant l'Egypte dans une instabilité décidément partie pour durer. «Au moins 28 personnes ont été tuées et 83 blessées dans tout le pays», a déclaré Khaled Al Khatib, haut responsable du ministère de la Santé, sur la chaîne privée OnTV, sans préciser qui avait péri, où et dans quelles circonstances. Un peu plus tôt, une source médicale avait indiqué qu'une personne avait été tuée à Delga, dans le Centre. Au Caire, cœur palpitant des manifestations, de violents heurts ont éclaté entre pro et anti-Morsi. L'autre «guerre» d'octobre Et comme il fallait s'y attendre, les policiers antiémeute ont prêté main-forte aux sympathisants du pouvoir du général Al Sissi en dispersant les militants des Frères musulmans à coups de grenades lacrymogènes, de chevrotines et, parfois, de rafales d'armes automatiques, selon les comptes rendus d'agences. Voyant que la foule grossissait à mesure qu'elle avançait, les forces antiémeute actionnèrent leurs «munitions». Les partisans de Morsi qui ont voulu titiller l'ego patriotique des Egyptiens surfant sur la commémoration de la guerre d'Octobre, considérée comme une victoire sur Israël, ont été stoppés net dans leur élan par des forces de sécurité et un «bataillon» de bras alliés du nouveau régime. Cette tentative de passage en force a finalement échoué face à la détermination du régime militaire à ne pas céder le terrain aux Frères musulmans qui ne désespèrent pas de récupérer le pouvoir et leur «raïs». Et c'est au bout du compte un bain de sang, comme les Egyptiens ont l'habitude d'en voir à chaque manifestation de ce genre. Bras armé Vendredi dernier, au moins quatre civils avaient péri dans des heurts entre pro et anti-Morsi au Caire. Et cette spirale de violences dure depuis le 14 août dernier, quand les militaires et les policiers ont tué des centaines de manifestants pro-Morsi en prière dans une mosquée, à l'aube, et arrêté plus de 2000 Frères musulmans. Le régime militaire qui pilote la transition avec un président civil, Adly Mansour, a également procédé à l'arrestation de la quasi-totalité des leaders islamistes et gelé les avoirs de la confrérie, qui a pourtant gagné haut la main les élections. Depuis la mi-août, policiers et militaires ont les coudées franches pour ouvrir le feu sur tout manifestant qui s'en prend à des biens publics. L'armée, le gouvernement et la quasi-totalité des médias tentent d'estampiller les Frères musulmans et les partisans de Mohamed Morsi de «terroristes». «Le ministère affirme sa détermination à faire face avec fermeté à toute violence et infraction à la loi de la part des partisans des Frères musulmans au cours de leurs manifestations», a menacé samedi le ministère de l'Intérieur. L'enjeu étant de diaboliser la confrérie en la désignant comme la fauteuse de troubles en Egypte. Cela ne règle pas pour autant l'équation politique en Egypte où le régime d'Al Sissi commence à montrer des signes de nervosité qui risquent de provoquer l'irréparable.