L'Egypte a vécu hier une journée sous haute tension. Indiquant le durcissement de la confrontation entre l'armée et les Frères musulmans, la justice a décidé, hier, de placer en détention le président destitué, Mohamed Morsi, pour complicité présumée dans des attaques imputées au Hamas palestinien et une évasion de prison début 2011. La décision n'était pas pour apaiser l'esprit des manifestants qui s'apprêtaient à des démonstrations de force dans les rues des grandes villes égyptiennes. Ces manifestations rivales entre partisans et opposants du Président égyptien n'ont, toutefois, pas drainé les grandes foules de la journée du 30 juin ni celle des mobilisations de la Confrérie pour contrer la destitution du président Morsi. Les manifestants des deux camps n'ont pas hésité à se frotter les uns aux autres. Des heurts ont éclaté entre manifestants à Choubra au Caire comme à Alexandrie, où les habitants des quartiers, théâtres des confrontations, ont souvent joué aux arbitres. La nuit du Caire s'annonçait longue et ouverte sur tous les dangers. L'armée égyptienne alternait la veille mises en garde et propos rassurants face aux partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi, à la veille de ces manifestations qui provoquent de vives inquiétudes dans le monde. Les deux camps, qui s'accusent mutuellement d'entraîner le pays vers la guerre civile, semblaient vouloir se dédouaner à l'avance de toute responsabilité au cas où les rassemblements d'hier devaient dégénérer. L'appel du chef de l'armée, le général al-Sissi, à manifester vendredi pour lui donner «mandat» d'en «finir avec le terrorisme et la violence» ne «constituait pas une menace envers un groupe politique en particulier», a assuré un porte-parole militaire, en allusion aux Frères musulmans. Les Frères musulmans, formation de M. Morsi, ont vu dans le discours du général Sissi un «appel à la guerre civile». Leur guide suprême, Mohamed Badie, a toutefois réaffirmé que les manifestations vendredi «contre le coup d'Etat sanglant» qui a renversé le président le 3 juillet devaient être «pacifiques». L'ancien Premier ministre de M. Morsi Hicham Qandil, a présenté des mesures de compromis pour «cesser l'effusion de sang» et esquisser une solution politique, proposant la libération des personnes arrêtées et la levée de l'isolement du Président déchu. Les réactions internationales vis à vis de la situation ne se sont pas faites attendre. Le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon a appelé l'armée à libérer M. Morsi et d'autres dirigeants des Frères musulmans, ou «que leurs dossiers soient examinés de façon transparente sans plus attendre». Pour Amnesty International, «l'appel du général Sissi fait redouter que les forces de sécurité ne se préparent à utiliser la force pour mettre fin aux manifestations des pro-Morsi». Certains analystes occidentaux commencent à voir dans le «mandat» demandé par le général Sissi le signe d'une régression vers le système Moubarak. «La stratégie du gouvernement par intérim consiste clairement à écarter politiquement les Frères musulmans jusqu'aux élections», soutiennent-ils. Aucune des parties «n'est prête à négocier avec l'autre», relève pour sa part l'Allemand Michael Lueders, un expert de la région. D'autres intellectuels, à l'instar de l'économiste égyptien Samir Amine, y voient au contraire une réappropriation de la révolution. Selon lui l'armée n'a fait que réaliser le souhait du peuple. Morsi ne pouvait en vouloir qu'à lui-même puisque la seule et unique motivation de son éviction est l'aversion grandissante du peuple envers sa personne et sa gestion chaotique. M. S.