Les Monténégrins ont tranché officiellement hier en faveur de l'indépendance, signant, ainsi, l'acte de naissance d'un nouvel Etat en Europe, le Monténégro. Les résultats officiels du référendum, qui s'est tenu dimanche, accordent 55,4% des suffrages exprimés aux indépendantistes, tandis que les partisans d'un Etat commun avec la Serbie ont obtenu 44,6% des votes. Les résultats ont été annoncés après le décompte de 399 535 voix sur les 462 937 électeurs qui ont voté, la participation ayant atteint 86,3%. L'indépendance du Monténégro (650 000 habitants), signifie aussi la disparition de la Yougoslavie (Etat fédéral construit par l'ancien président Josip Bros Tito à la fin de la Seconde Guerre mondiale) dont les autres républiques - Slovénie, Croatie, Bosnie, Macédoine - se sont séparées lors des guerres des années 90 dans les Balkans. Ce scrutin à mis fin, en effet, à plus d'une décennie d'union avec la Serbie, bâtie sur ce qui restait de l'ancienne Yougoslavie et rompait également l'alliance scellée entre les deux parties en 2003. Aussitôt l'annonce des résultats officiels, le secrétaire général du conseil de l'Union européenne (UE), Javier Solana, a indiqué que l'UE « respecterait le résultat du référendum » et a salué comme « un signe de maturité » le bon déroulement du référendum et la forte participation. En effet, aucun incident majeur n'a été enregistré lors du scrutin surveillé par quelque 3000 observateurs étrangers et locaux. Allant dans le même sens que le constat établi par l'UE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a estimé, aussi, que le référendum a été conforme aux « normes internationales » démocratiques. Pour être validée, l'indépendance devait franchir le seuil des 55% des votants avec une participation de 50%, une condition fixée par l'UE. Ce préalable devait, dit-on, servir d'argument « fort » pour que les 25 reconnaissent l'indépendance et demandent à Belgrade de ne pas s'opposer au démembrement de l'union Serbie-Monténégro. Belgrade avait insisté, rappelle-t-on, pour que les deux pays restent ensemble et a ouvertement pris parti pour les unionistes, considérant les aspirations indépendantistes de son petit voisin comme l'équivalent d'une « trahison ». A signaler que le président croate Stipe Mesic a été le premier chef d'Etat à féliciter les Monténégrins. Le Premier ministre indépendantiste du Monténégro, Milo Djukanovic, n'a pas attendu l'officialisation de ces résultats pour revendiquer la victoire. Dans la nuit de dimanche à lundi, ses troupes sont sorties dans la rue pour manifester leur joie. « Par la volonté de ses citoyens, le Monténégro a rétabli son indépendance », a-t-il dit, rayonnant devant ses supporters agitant des drapeaux monténégrins rouges frappés de l'aigle bicéphale doré. Le leader unioniste, Predrag Bulatovic, favorable au maintien de l'union avec la Serbie et très lié à Belgrade, n'avait pas voulu, quant à lui, reconnaître immédiatement la victoire indépendantiste, indiquant qu'il fallait attendre le résultat officiel. Pour leur part, les autorités serbes gardaient encore le silence, hier matin. Mais l'armée de Serbie-Monténégro respectera la volonté des citoyens du Monténégro, a rapporté, toutefois, l'agence Tanjug, citant des sources au ministère de la Défense. L'indépendance du Monténégro, selon de nombreux experts des Balkans, représente, pour les Serbes, un sérieux revers. Elle intervient à un moment très délicat pour Belgrade, engagé dans de difficiles négociations avec les Albanais du Kosovo, la province administrée par l'ONU, qui, elle aussi, réclame son indépendance. L'UE a décidé, en outre, au début du mois, de suspendre ses négociations de rapprochement avec la Serbie-Monténégro en raison de l'incapacité de Belgrade d'arrêter le fugitif Ratko Mladic, inculpé de génocide par le Tribunal pénal international (TPI). En devenant indépendant, le Monténégro compte reprendre le plus vite possible ces discussions. Dans le cas d'une reprise, celles-ci devraient, selon des observateurs européens, d'ailleurs, s'accélérer si le Monténégro ne sombre pas dans un antagonisme qui opposerait les indépendantistes et unionistes.