Le 2 octobre 2005, Jean-Claude Bertrand, âgé de 69 ans, nous as quittés, terrassé par une crise cardiaque, alors qu'il ralliait cette Afrique qu'il aimait tant, en compagnie de Gérard Sarrazin et Patrick Tambay, pour procéder aux premières reconnaissances du 1er rallye Côte-Côte Historique qu'il souhaitait organiser pour 2006/2007, dont il assurait la direction de course. Jean-Claude Bertrand, un sacré mec avec son caractère, était un homme pétri de qualités. Né à Paris bien avant la guerre, il arrive en Côte d'Ivoire, à Abidjan, en 1952, et se retrouve, à 16 ans, au volant d'un vieux camion Dodge à transporter les bananes de la plantation familiale et son commerce de café et de cacao. Le jeune Jean- Claude sillonne déjà ces pistes au volant de divers véhicules, il «tue le temps» comme il peut, en se lançant des défis à bord d'un pick-up (GMC, Chevrolet), sur les pistes défoncées de la brousse. Le virus de la vitesse trouve en Jean-Claude Bertrand un terrain fertile et prend de passion pour la vitesse et la maîtrise de son véhicule, ainsi la rencontre des uns et des autres qui se retrouvent régulièrement pour s'affronter sur différents parcours. Il se colle au domaine de la compétition en participant en tant qu'amateur à la quasi-totalité des grands rallyes européens de l'époque. Très vite, sa passion, alliée à son expérience accumulée, le pousse à se lancer dans l'aventure de l'organisation d'une épreuve. Nous sommes alors en 1968, Jean-Claude Bertrand décide de créer le premier rallye du Bandama, ce rallye fait l'enchantement de tous. Il est si dur que personne ne franchit la ligne d'arrivée ! En 1969, son géniteur l'annonce comme le plus beau rallye et le plus dur au monde ! Les usines, mais aussi les pilotes et la presse sont tous au départ. Sept équipages franchissent la ligne d'arrivée, le premier empoche un chèque jamais donné dans un rallye. Profitant de tous ses contacts établis lors de ses pérégrinations en Europe, Jean-Claude Bertrand parvient à réunir un plateau de concurrents et une couverture de presse des plus convaincants. Séduit par le résultat (comme les participants par l'épreuve), il persévère et améliore chaque année son rallye qui gagne en notoriété, non seulement par la beauté des contrées traversées mais aussi par la rudesse de l'épreuve, à tel point que l'année 1972 donne raison à Jean-Claude Bertrand, son rallye est si dur qu'aucun concurrent ne rallie l'arrivée, le Bandama vient de gagner ses lettres de noblesse. Fait unique dans l'histoire du sport automobile mondial, la revue Echappement titre alors : «Bandama, le rallye de l'impossible. Un beau jour de l'année 1974, sur les pistes algériennes, Jean- Claude Bertrand ralliait Monte-Carlo pour prendre le départ du fameux rallye. C'est au vu de ce succès que Bertrand décide en 1975, à la fin du Bandama, de créer le premier Côte d'Ivoire à Côte d'Azur «ouvert à n'importe qui et à n'importe quoi ». Un rallye éprouvant, des étapes interminables et le premier «départ en ligne» de l'histoire des raids. Pas de goudron, pas d'hélicoptère, pas de GPS, l'exploit est de franchir l'arrivée. Trois éditions s'ensuivront, toutes aussi épiques les unes que les autres, dont celle qui révélait un certain Thierry Sabine perdu dans l'immensité durant deux jours et récupéré à bout de force ! Jean-Claude Bertrand est sur tous les fronts, le Bandama est inscrit au calendrier du Championnat du monde, il lance les Rallyes 5/5, Tour du Maroc, un rallye en Islande et pendant huit ans, organise le Rallye d'Algérie. Toujours basé en Côte d'Ivoire, un amour perpétuel pour l'Afrique, Jean-Claude venait de décider avec de vrais amis de réorganiser cette fabuleuse épreuve qu'était le Côte d'Ivoire, mais bien évidemment avec des conditions totalement différentes sur les plans sécurité et organisation. Une épreuve historique, pour laquelle il préparait le road-book c'est dans le ferry qui l'emmenait pour cette tâche qu'il quittait ses amis et tous ceux qui l'aimaient et croyaient en lui. Par respect pour sa mémoire et son engagement, à son épouse Claudine et à ses proches, je présente mes plus sincères condoléances. La morale de cette histoire est qu'il ne suffit pas, dans notre société, de savoir faire pour être pérenne. Il faut aussi, et surtout, faire savoir des choses qui font le rêve des passionnés des sports mécaniques et de développer le tourisme. Mohamed Hadjen, ancien pilote, ancien membre de la FASAK, puis de la FASM, vice-président de la Ligue d'Alger et président de club (CREH), a décidé de poursuivre les reconnaissances et organisations de rallye en hommage à notre père à tous qui continuons à pratiquer le sport automobile et les rallyes, qui nous a laissés orphelins. Mais grâce à sa vision, grâce à l'âme des paysages en la matière, nous sommes tous de fidèles fils, toujours aussi passionnés, à courir tout au long de l'année grâce à nos clubs. Nous sommes ainsi un peu les détenteurs de cette âme, cet esprit qui règne depuis plusieurs décennies sur la terre d'Algérie, avec pour seul moteur notre passion, pour seul objectif le podium et pour seule mission transmettre le feu sacré de la passion. La prochaine fois que vous participerez à un départ de rallye raid, pensez, dès votre arrivée, à humer l'air et de faire glisser entre vos doigts un peu de sable ou de terre, cela vous permettra de vous imprégner un peu mieux de l'âme des gens et des lieux. Vous aurez à cœur de communiquer à d'autres cette expérience, cette rencontre quasi-mystique avec le sport automobile, avec l'âme du rallye.