L'histoire semble se répéter. Le 29 juin 1990, l'attaque de Ménaka, dans le nord du Mali, marque le début de la rébellion touareg au Mali. En 1991, les incidents se multiplient dans le Nord, entraînant un exode des populations civiles maures et touareg vers l'Algérie, la Mauritanie et le Burkina Faso. C'est le début d'un conflit porté par plusieurs mouvements, dont la principale motivation, selon la littérature des différents mouvements de rébellion, tels le Front populaire de libération de l'Azawad (FPLA) ou les Mouvements et fronts unifiés de l'Azawad (MFUA), était « le mépris des pouvoirs centraux à l'égard des populations touareg » et la sauvegarde de leur identité de nomades. Les Touareg, selon des statistiques non officielles, représentent une population de 3,5 millions dont 85% au Mali et au Niger. Ils représentent 10% de la population au Mali. Plusieurs révoltes ont éclaté depuis les années 1960 et l'accès à l'indépendance des pays du Sahel. Depuis les années 1990, des mouvements plus organisés ont demandé l'autonomie des régions du nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Gao). Après l'éclatement de la révolte en 1990, le président malien Moussa Traouré négocie, à Tamanrasset en 1991, avec la résistance touareg. Des accords sont conclus qui prévoient « une autonomie interne, un désengagement militaires du pays touareg ainsi qu'un vaste programme de développement ». Le Mali est secoué par un putsch militaire trois mois après la signature de l'accord de Tamanrasset et en 1992, les militaires signent à Bamako de nouveaux accords avec quatre fronts regroupés au sein du mouvement des MFUA. La France et l'Algérie y ont joué un grand rôle. Le retour du pouvoir civil en 1994 relance le conflit, avec des vagues de répression qui poussent des réfugiés à s'installer dans le Sud algérien, en Mauritanie et au Burkina Faso. Les accords d'Alger en 1994 calment relativement la situation et une année plus tard, une table ronde réunissant des bailleurs de fonds maliens mobilise un budget conséquent pour consolider la paix et permettre aux réfugiés de retourner chez eux dans le nord du Mali. Rôle de la libye et de la France ? Les attaques d'hier, imputées à des rebelles touareg, interviennent dans un contexte régionale particulier. D'abord, les manœuvres du colonel Kadhafi, qui non seulement a lancé à partir de Tombouctou son idée d'un « grand Etat du Sahara », mais tente également d'étendre son influence dans la région nord du Mali. Fin avril dernier, une délégation d'officiels libyens et maliens a rencontré les autorités administratives, des notables et des ex-combattants de la rébellion touareg de Kidal (nord-est du Mali). La délégation comprenait notamment Béchir Salah, le directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, et le général Kafougouna Koné, ministre malien de l'Administration territoriale et des Collectivités locales. Au cours de cette rencontre, les ex-rebelles touareg ont souhaité que leur région puisse obtenir un « statut particulier » pour accélérer son développement. Bamako avait pris l'engagement de nommer « prochainement » un conseiller au ministère malien de la Défense pour s'occuper des problèmes des ex-combattants de la rébellion touareg, dont certains sont intégrés dans l'armée suite aux accords cités. L'Etat malien allait « prochainement » débloquer 1,2 milliard de francs CFA (environ 1,8 million d'euros) pour lutter contre le chômage des jeunes de la région, autre préoccupation des ex-combattants et de la notabilité locale. De leur côté, les Libyens ont annoncé leur décision de « remettre sur les rails deux projets économiques dans le nord du Mali : une usine de phosphate à Bourem (région de Gao, au sud de Kidal) et une usine de fabrication de plâtre à Tessalit, au nord de Kidal », a rapporté une autre source proche de la rencontre. Le lieutenant-colonel Hassan Fagaga, un ex-combattant rebelle touareg dans les années 1990 qui avait ensuite incorporé l'armée, avait pris le maquis mi-février dernier avec une poignée d'hommes armés pour exiger notamment des mesures en faveur de la région de Kidal et des ex-rebelles intégrés dans l'armée. Il avait accepté de rentrer dans le rang mi-mars, alors que le gouvernement s'était engagé à ne pas prendre de sanctions contre lui et à étudier ses doléances. La Libye a ouvert début février dernier un consulat à Kidal - en plus de sa représentation à Bamako - avec comme premier responsable un homme d'affaires, Moussa El Kony, membre du sérail à Tripoli, qui a abandonné ses affaires pour être le messager de Kadhafi sur place. A ces manœuvres libyennes, il faudra ajouter l'étrange timing de la visite à Bamako la semaine écoulée de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur français, venu défendre son projet de loi sur l'immigration « choisie » et qui a subi les foudres de colère de la société civile aussi bien au Mali qu'au Bénin. Et même s'il déclare que « la France n'a pas les intentions et les influences qu'on lui prête », il n'en reste pas moins vrai que Paris avait longuement joué son rôle aussi bien dans la révolte des Touareg que dans les tentatives de règlement du conflit. A noter aussi la récente visite du ministre des Affaires étrangères français, Phillipe Douste-Blazy, à Tripoli, peu envisageable il y a seulement quelques années. Alger, de son côté, tente de régir à travers la 2e session de la commission mixte de sécurité algéro-malienne tenue à Tamanrasset fin avril et la visite à Alger de responsables du ministère de l'Intérieur malien, et à travers des contacts plus suivis avec le Niger et la Mauritanie. Le tout sur fond de présence américaine dans la région du Sahel qui n'est pas pour calmer l'exaspération de l'ancienne puissance coloniale.