Près de 15 000 travailleurs de la zone industrielle de Rouiba sont sortis, hier, pour dénoncer la précarité à laquelle ils sont exposés et « le bradage » des entreprises publiques. Dès 9h30, de petits groupes de travailleurs, mines tristes, mais déterminés, commencent à abandonner, à la hâte, leur usine pour déferler à Réghaïa où est prévu le point de départ de la marche. Quelques minutes plus tard, la foule, sous un ciel vague et maussade, prend forme et s'ébranle dans le brouillard pour se diriger vers le siège de l'unité de Coca-cola pour un rassemblement. Vêtements et combinaisons encrassés, les travailleurs, représentant quelque 90 entités économiques publiques, brandissent des banderoles suggestives. La misère et l'incertitude se lisent sur les visages de ces travailleurs qui crient à la mauvaise gestion. Chemin faisant, des slogans éloquents sont accompagnés par des brouhahas stridents, tandis que d'autres travailleurs n'ont pas manqué d'exprimer leur colère par le moyen le plus explicite possible : une bouchée de pain dans une main et une bouteille de sérum dans l'autre. Seule viatique d'un salarié. En arrivant à l'établissement de Coca-cola, les travailleurs se sont rassemblés pour écouter les syndicalistes de l'union locale UGTA de Rouiba, à leur tête le secrétaire général, M. Messaoudi. Ainsi, un orateur rappelle le rassemblement des 500 syndicalistes, le mardi 16 mai, aux sièges de l'ISFF et de l'EPE/TVC, pour exiger, en vain, la réhabilitation des syndicalistes exclus par la direction de l'ISFF. Le syndicaliste exige, à ce propos, la reconnaissance des syndicats comme partenaire social dans toute démarche engageant l'avenir de l'entreprise et des salariés. Dans le même registre, les participants au rassemblement n'ont pas manqué de déplorer que la détermination des syndicalistes à vouloir imposer les directives du président de la République relatives à la participation des travailleurs dans les projets engageant l'avenir des entreprises et des travailleurs a été « sévèrement réprimée » par les gestionnaires qui s'opposent à tout dialogue. L'union locale UGTA de Rouiba, dans une déclaration rendue publique, hier, indique que les syndicalistes ont réalisé « l'ampleur du marasme social » consécutif à « la déconfiture » des entreprises et entités économiques implantées à Rouiba par le fait de « la gabegie », « de l'absence quasi-totale » de stratégies commerciales réfléchies et cohérentes à même de relancer ces entreprises publiques. L'UGTA de Rouiba souligne, en conséquence, que les travailleurs vivent dans des conditions sociales frisant « la clochardisation » à cause d'un pouvoir d'achat en régression constante. La révision des salaireS : « une nécessité incontournable » Les travailleurs de la zone de Rouiba affirment, à cet effet, que la révision des salaires est devenue « une nécessité incontournable ». M. Messaoudi illustre, en se référant à l'étude menée par l'UGTA, que le pouvoir d'achat actuel exige un salaire minimum de 25 000 DA pour une famille algérienne. « Il est anormal de procéder à des augmentations de produits de base chaque mois, alors que la révision des salaires est noyée dans des commissions et sous-commissions pour des années », lance le SG de l'union locale UGTA de Rouiba. En guise de diagnostic, les travailleurs de la zone de Rouiba déclarent que cette conséquence est l'œuvre de certains cadres gestionnaires retraités, « aventuristes » et « totalement désintéressés » de l'avenir des organismes qu'ils dirigent. A cet effet, les syndicalistes dénoncent « le bradage » du patrimoine de ces entreprises en mettant en exergue que ces opérations vont faciliter leur liquidation pure et simple puisqu'elles ne sont pas engrangées dans un plan économique qui met en valeur leur relance. Pour ce dernier objectif, l'UGTA de Rouiba recommande l'assainissement des biens, leur revalorisation sur la base des prix actuels et, enfin, leurs cessions à des prix permettant cette relance. En sus de la mauvaise gestion et de ses corollaires la précarité et l'exclusion du partenaire social, les syndicalistes n'arrivent pas à admettre pourquoi les administrations procèdent à la privatisation des unités bénéficiaires. Les travailleurs avancent le cas de l'unité MAGI, spécialisée dans le matériel agricole, et laquelle subit des tentatives de cession alors qu'elle fonctionne correctement. Autre grief contre les administrations : « La contradiction évidente » entre l'objectif du président Bouteflika qui vise à diminuer le chômage en intégrant dans le monde du travail une jeunesse diplômée et la stratégie des SGP et des entreprises publiques qui « s'entêtent » à maintenir dans des postes de décision stratégiques des retraités, dont l'objectif inavoué est « la destruction de nos entreprises publiques ». En clair, les revendications que soulèvent les travailleurs révèlent que tout un mode de gestion est remis en cause et que faire fi du partenaire social dans le processus de privatisation est porteur de risque. L'union locale UGTA de Rouiba affirme sa détermination à mettre « tout » en œuvre pour que ces revendications soient « totalement » satisfaites.