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“La zone industrielle de Rouiba n'a pas enfanté le 5 Octobre, elle l'a subi” Témoignage de m. Messaoudi, secrétaire général de l'union locale UGTA de Rouiba
Rouiba, samedi 22 septembre 1988. Une atmosphère lourde règne sur la zone industrielle. Les travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (Snvi) arborés de leur “bleu” commentent les propos de Chadli tenus trois jours auparavant. Des propos que tout le monde trouvaient surprenants, y compris ces ouvriers qui ont trouvé curieux qu'un président de la République incite le peuple et ses travailleurs au soulèvement. “Les ouvriers égyptiens ont fait la grève pour contester le prix de la viande”, une phrase factieuse qui va apporter de l'eau au moulin des 18 000 travailleurs de la SNVI exacerbés par l'érosion de leur pouvoir d'achat. D'autant plus que ce discours concordait avec cette histoire de “prime du jouet” de 200 DA que la direction de la Snvi a décidé, pour des raisons économiques, de ne plus accorder aux travailleurs. Une décision qui souleva un tollé général chez les travailleurs et qui va enclencher une vague de protestation au niveau de toutes les unités de la Snvi. “Le discours provocateur de Chadli qui coïncidait avec la contestation des lycéens a pris tout le monde de vitesse”, témoigne M. Messaoudi, secrétaire général de l'union locale UGTA de Rouiba. Le lendemain, soit le 29 septembre, des centaines de travailleurs se regroupent à l'intérieur du complexe Snvi. En plus de la prime du jouet, les grévistes exigent la valorisation des salaires et la baisse des prix des produits alimentaires. La contestation ne tarde pas à gagner les autres unités telles que l'Enel, l'Emal, Anabib, GTP, Batimetal, l'Enab et l'Enag. “Les conseils de Chadli et les pénuries de l'époque (café, cigarettes, semoule et huile) ont contribué au pourrissement du climat social”, dit M. Messaoudi qui ajoute que “des assemblées générales ont été organisées même à 5h, mais, curieusement, à chaque fois qu'un accord est conclu, il est torpillé le lendemain”. Les sections syndicales et les fameuses cellules d'entreprise du parti FLN sont dépassées, voire contestées par une frange des travailleurs sous l'impulsion d'islamistes visiblement déterminés. Ces derniers, qui étaient en hibernation, ont pu développer en douceur leur offensive grâce aux moussalas (mosquées aménagées à l'intérieur) mises à leur disposition. Ce sont ces noyaux qui donneront naissance, quelques mois plus tard, au SIT (Syndicat islamique des travailleurs). Le samedi 1er octobre, les travailleurs sortent dans la rue. “La manifestation se voulait pacifique et elle répondait à la volonté des travailleurs qui ne demandaient que leurs droits, mais d'autres personnes animées par d'autres considérations ont bloqué la route”, affirme pour sa part M. Chebab Aomar, secrétaire général de l'union de wilaya de Boumerdès. La manifestation dégénère et la police a eu recours aux bombes lacrymogènes pour dégager la route. “Le lendemain, des groupes d'individus étrangers sont venus à bord de véhicules banalisés pour inciter les travailleurs à sortir dans la rue”, indique M. Chebab. Et c'est ainsi que le mardi 3 octobre, des manifestants survoltés s'attaquent à l'unité de l'Enatb et à la brasserie de Réghaïa, et tentent de l'incendier. L'attaque est repoussée par des centaines de travailleurs armés de gourdins et de bâtons. Le 5 octobre 1988, d'autres casseurs gonflés à bloc se dirigent vers les zones industrielles de Rouiba et de Réghaïa. Ils seront chassés encore une fois par les ouvriers. “Non, la zone industrielle a subi le 5 Octobre et ne l'a pas enfanté !” affirme M. Messaoudi. Ce fervent défenseur du secteur public avertit que “ceux qui n'ont pas vécu le 5 Octobre au niveau de la zone ne peuvent pas comprendre notre combat contre la privatisation et le bradage de nos entreprises”. Mais beaucoup pensent que ce “chahut de gamins” a pour origine une prime du… jouet. M. T.