L'enquête de l'Office national des statistiques (ONS) sur les salaires relancée depuis quelques années et qui relève une augmentation des rémunérations des travailleurs aurait pu donner un peu plus d'éclairage, de visibilité et de détails si elle était suivie par les résultats de l'enquête sur la consommation des ménages lancée depuis plus de deux ans, précisément au cours du mois d'avril 2011. Cette enquête tarde à être dévoilée pour différentes raisons. Certains parlent de lenteurs au niveau de l'ONS, alors que d'autres avancent des difficultés de collecte d'informations. Il y a même ceux qui doutent de la volonté de l'ONS à rendre publics ces résultats, comme nous l'a souligné un expert : «Il y a sûrement des choses à cacher, sinon pourquoi mettre tant de temps pour donner les résultats d'une enquête aussi importante que celle de la consommation des ménages ?», nous dira un statisticien. Et de surcroît, une enquête considérée comme l'un des outils nécessaires pour la mise en place d'une politique socioéconomique dans une période où beaucoup de changements se sont opérés en matière de consommation chez la famille algérienne. «Le couffin de la ménagère ne se limite pas à quelques produits, comme c'était le cas auparavant. Le changement des habitudes alimentaires des algériens a fait que de nouveaux produits se sont imposés au fil des ans sur la table des algériens», nous dira ce statisticien pour qui la mesure de l'inflation passe aussi par le suivi de l'évolution des prix de ces nouveaux intrants. Par exemple, le yaourt qui n'était pas primordial il y a quelques années est fortement consommé aujourd'hui et a vu son prix passer de 8 DA à 13 voire 15 da en l'espace de quelques années. Même constat pour une série d'autres produits. En dehors du pain, du lait, de l'huile et du sucre dont les prix sont subventionnés par l'Etat, le reste des aliments connaît régulièrement des hausses injustifiées des prix, alors que ceux des fruits et légumes fluctuent sans aucune explication convaincante. Ceux d'autres produits de base chez la famille algérienne ne cessent d'atteindre les cimes. C'est le cas pour les légumes secs (exemple les haricots blancs cédés entre 200 et 250 DA cette année, contre 170 DA en 2012), le café, les produits détergents, les œufs, les viandes (rouges et blanches) et les poissons. La sardine n'est pas vendue à moins de 200 DA le kilo (durant les périodes d'abondance) actuellement contre 100 DA entre 2000 et 2010. Cela, pour illustrer la hausse fulgurante des prix, une hausse qui pèse de plus en plus sur le pouvoir d'achat des algériens et qui rend nul l'effet des augmentions salariales opérées. «Ce qu'on nous donne d'une main, on nous le reprend de l'autre main», cette phrase revient comme un leitmotiv chez les consommateurs, las d'attendre la mise en place d'outils de régulation sur un marché qui reste soumis au diktat des spéculateurs et dans une période où les prévisions en termes d'inflation sont largement dépassées. Dépréciation du dinar et désorganisation du marché, sources de l'inflation Les experts sont d'ailleurs formels à ce sujet : «La forte hausse des prix à la consommation est induite par les longs circuits de distribution». Ce qui profite surtout aux différents intermédiaires. Au final, le désengagement de l'Etat dès 1987 sans mise en place d'instruments de régulation efficaces n'a pas permis une meilleure organisation des marchés, bien au contraire, il a engendré une spirale inflationniste avec un pic de 8,9% en 2012. Au cours de l'année 2012, les consommateurs algériens avaient, pour rappel, lourdement ressenti l'effet de la hausse des prix sur le marché. Ils avaient été d'autant plus affectés par l'envolée spectaculaire des prix des produits agricoles. En 2012, ce ne sont pas les produits importés qui avaient poussé l'inflation vers le haut, mais plutôt ceux en provenance du marché national. La situation risque de s'amplifier avec la dépréciation du dinar et l'absence de moyens pouvant justement assurer la limitation de ce phénomène inflationniste. Le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Mohamed Laksaci, avait relevé ce point en février dernier reconnaissant clairement que la capacité de la Banque à juguler l'inflation restait limitée. Pourquoi ? «Ce phénomène dépend plus de l'organisation des marchés internes que des facteurs monétaires», avait-il expliqué dans ce cas. Mais quand les deux facteurs se conjuguent comme c'est le cas actuellement (désorganisation du marché et dépréciation de la valeur du dinar), les conséquences risquent d'être plus lourdes sur le porte-monnaie de la ménagère.