Parce que la parole doit être dite et pour que la voie du débat ne s'arrête pas, le quotidien El Watan a décidé de maintenir la rencontre prévue aujourd'hui autour du thème «Statu quo autoritaire : quel coût pour l'Algérie ?». Le journal El Watan se félicite de «la levée de l'interdiction frappant son cycle de conférences publiques». La direction du journal tient par conséquent à informer les très nombreux fidèles du forum ‘‘Les Débats d'El Watan'' du maintien de la rencontre-débat», souligne un communiqué du journal, informant ses lecteurs que la rencontre se tiendra bel et bien à la salle Cosmos de Riadh El Feth. La nouvelle rassure et calme l'inquiétude suscitée mercredi par la décision de la direction de l'Office Riadh El Feth (OREF) d'interdire ce rendez-vous de libre expression faute d'autorisation de la DRAG. Mais s'il y a aujourd'hui un recul, un pas inacceptable a tout de même été franchi par la direction de l'OREF, qui n'est pas sans rappeler toutes les autres obstructions à la liberté d'expression émanant de l'administration qui tombent tel un couperet sur toute tentative de la société civile de se réunir ou de s'exprimer. Quand le débat devient source d'inquiétude pour les tenants du pouvoir, la liberté peut compter de mauvais jours. Arriver à exiger d'un journal d'avoir une autorisation de la wilaya afin de réunir des universitaires et le grand public autour d'un débat et d'un espace de réflexion est un précédent grave et une atteinte on ne peut plus claire au droit à l'expression libre. Des pratiques d'oukase d'un autre âge qui reflètent la nature autoritaire d'un pouvoir qui a choisi une seule forme d'expression : l'interdit et la violence.Le quotidien El Watan organise depuis huit ans un cycle de débats qu'il dédie à la libre expression, répondant au fort besoin de la société d'avoir un espace pour échanger et réagir en toute liberté sur différents thèmes (politique, économique, culturel, social, etc.) touchant à ce qui intéresse l'Algérie et les Algériens. Académiciens et universitaires, politiciens et économistes, acteurs de l'histoire et historiens se relayent à la tribune des Débats d'El Watan suivant les thèmes choisis. A aucun moment il n'a été question d'exiger du journal une quelconque autorisation pour ouvrir ce débat jusqu'à ce mercredi 6 novembre 2013. La direction de l'OREF, dont relève la salle Cosmos, lieu habituel des débats, a fait parvenir au journal, en fin de journée, un courrier faisant état de la subordination de «cette activité à une autorisation préalable des services de la wilaya d'Alger, la DRAG». La direction de l'OREF a attendu la veille du week-end et de la tenue de la conférence, prévue le 9 novembre, pour signifier cette exigence, ne laissant au journal qu'une hypothétique possibilité de pouvoir s'en acquitter. La demande d'organisation du débat avait pourtant été faite le 25 octobre dernier auprès de la direction de la salle Cosmos, qui avait aussi reçu le bon de commande le 27 octobre, transféré à la direction de l'OREF le 29 du même mois. Le 4 novembre, le journal s'était acquitté du paiement de la salle. La direction de l'OREF est demeurée sans réponse, alors qu'elle avait autorisé un colloque médical le 2 novembre dernier sans aucune exigence. Jeudi, le directeur adjoint de l'OREF était catégorique : des instructions ont été données, pas d'accord pour El Watan sans autorisation de la DRAG. Le communiqué du journal dénonçant cette interdiction à peine voilée a fait le tour de la Toile et des médias nationaux et étrangers. Le ministre de la Communication, Abdelkader Messahel, a vite dit qu'aucune instruction n'avait été donnée dans ce sens. La ministre de la Culture, Khalida Toumi, tout en condamnant «avec la plus grande fermeté ce dépassement», annonce dans un communiqué, publié par l'APS, l'ouverture d'une enquête suite à l'interdiction de la conférence-débat organisée par El Watan. Le journal n'est pas à sa première conférence à Riadh El Feth, il est donc difficile de croire que le directeur de l'OREF ait été seul à prendre la décision de l'interdiction de ces débats. Qui se cache donc derrière une telle démarche qui renvoie, à n'en point douter, à des procédés de police politique ?