L'aéroport d'Orly ne désemplit pas. Des groupes se forment devant les écrans indiquant l'arrivée des vols. A quelques minutes d'intervalle, deux grands avions vont se poser sur la piste. Ils ramènent les estivants parisiens qui ont passé leurs vacances en Algérie. « Incroyable, le vol n'a même pas de retard. Tout se passe bien. J'ai toujours eu peur de passer la nuit dans l'aéroport quand ma famille rentre du bled », confie Hassen, en rigolant. Accompagné de sa fille, le vieux émigré kabyle attend l'arrivée de sa famille partie passer deux mois à Agouni Bouragh, à 35 km de Tizi Ouzou. Hassen encense l'ouverture de l'espace aérien. « Cela se passe mieux depuis qu'Air Algérie n'est plus seule. Les horaires sont mieux respectés et le personnel plus respectueux. Il nous est arrivé de nous présenter à l'aéroport d'Alger à 8 h pour le vol de 10 h et de ne décoller que vers 20 h », se souvient douloureusement Hassen. Sa fille, Rachida, étudiante en commerce international, acquiesce de la tête. « Je me rappelle des cris des enfants dans l'aéroport Houari Boumediène, des heures d'attente sans eau et les toilettes bouchées, sur des sièges inconfortables, ou à même le sol. Avec le recul, je ne dirai pas que ce sont de mauvais souvenirs ». A la recherche du Sud perdu Le périple, qui commence dans la banlieue parisienne, passe par l'Espagne et le Maroc. Ce n'est pas seulement l'histoire de deux paumés à la recherche de leurs racines. C'est aussi ce Nord opulent, méprisant de par son égocentrisme, matérialisme, qui a oublié ses raisons d'être. Et si l'humanisme est au Sud ? En Espagne, Zain et Naïma rencontreront les candidats africains à l'émigration. Et découvrent la solidarité et le dénuement des sans-papiers. Car le Sud aussi veut rattraper le Nord, s'attacher à ses basques. C'est à Almeria, carrefour des deux mondes, que le choc se produit. Il se prolongera longtemps, son onde sera prise en transe pendant 10 minutes. Car Tony Gatlif n'est pas seulement réalisateur et scénariste : il a signé toute la bande originale du film. Une musique enjouée, sensuelle, répétitive, cajoleuse et démente. La scène de transe est le summum de la conjugaison des talents du réalisateur. Zain et Naïma ne sont jamais seuls, la musique est le troisième personnage du film. Elle est autiste et salvatrice. Exils est universel, il ne s'adresse pas spécialement aux Français. C'est une quête permanente pour fuir le non-sens, le néant.