En une heure, les pluies torrentielles et la grêle qui se sont abattues sur la ville de Constantine dans l'après-midi du lundi ont fait des dégâts. C'est au bidonville Sarkina situé dans la cité Sakiet Sidi Youcef que nous avons découvert des familles éplorées par ce qu'elles venaient de vivre. « Cela s'est passé si vite que n'avons su quoi faire face à un déluge de boue », nous dira un habitant. A l'intérieur des vieux taudis, on passe difficilement. Des troncs d'arbres, des objets hétéroclites et des pierres charriés par les eaux bloquent tous les accès. « Heureusement que cela ne s'est pas passé la nuit, sinon qu'est-ce qu'on serait devenus », demande une femme âgée. Plus on avance dans les lieux, plus on découvre la vie de misère des habitants qui ne manquent pas de rappeler le mépris affiché par les autorités. Dans des pièces exiguës, non éclairées et mal aérées, la boue n'a pas épargné les stocks de denrées alimentaires. « Nous avons tout perdu en une heure », crie un jeune enfant. Les jeunes sont les plus touchés. Certains assistent pour la première fois à pareille scène. La mobilisation est générale pour dégager les débris. « On a essayé de sauver le maximum de biens mais les eaux ont été plus fortes », nous disent certains. Dans les gourbis où les murs ont difficilement résisté, les traces d'eau sont partout présentes. Le niveau a atteint 50 cm et même plus. Entre les maisons et dans les artères sinueuses du bidonville, des cours d'eau prennent leur chemin vers l'oued situé plus bas. Sur ce parcours, plusieurs maisons ont fini par céder. Des pans entiers de murs sont tombés. « Vous voyez ici, deux familles de douze personnes n'ont pas où s'abriter », nous dira un vieil homme, qui nous invite à voir un autre gourbi situé non loin de là. On passe sur des madriers pour accéder aux demeures. Les gens veulent tous nous montrer leur situation. Deux autres familles de neuf personnes ont connu le même sort. « On ne comprend pas pourquoi on continue de nous ignorer. On habite là depuis une quarantaine d'années, mais on n'a rien vu venir », crie une femme qui retient difficilement ses larmes. Les agents de la Protection civile appelés à intervenir n'ont pas pu faire grand-chose. La colère des habitants était déjà à son apogée et on craignait le pire. Fort heureusement, aucun dégât humain n'a été signalé. Cependant, plusieurs familles sans abri pensent déjà comment affronter les nuits dans de conditions pareilles. Malgré les dégâts matériels que leurs maisons ont subi, les habitants du bidonville Sarkina ont fait preuve des retenue et de sagesse. Un représentant du secteur urbain de Ziadia a fait le déplacement pour faire le constat, alors que les habitants exigeaient la présence du maire. Les fortes averses ont mis à nu, encore une fois, les défaillances tant décriées dans la gestion de la ville. Le constat était bien perceptible dans la cité Sakiet Sidi Youcef qui a bénéficié d'un projet de réaménagement qui traîne toujours. D'ailleurs même les habitants des bâtiments situés sur le côté bas de la cité ne seront pas épargnés par les flots qui ont gagné aussi les appartements situés au rez-de-chaussée. Les riverains de la partie inférieure du bidonville de Sarkina vivent déjà dans des conditions pour le moins infernales, aussi craignent-ils toujours d'autres déluges, surtout que le temps est encore instable en cette fin de mai. Le bidonville Sarkina demeure toujours un lieu « ignoré par l'histoire », selon l'expression de ses jeunes résidants. Néanmoins, les habitants attendent toujours un geste de la part des autorités, leur évacuation.