Comme le premier front, celui du FLN, qui s'est depuis les années 1980 repositionné sur l'aile du conservatisme moral, l'autre front, celui qui se tient sur le haut du visage des hommes, peut aussi dériver pour se transformer en programme politique. C'est dans cet ordre d'idées qu'un certain nombre d'observateurs a été surpris de voir le nouveau chef du gouvernement avec un point au milieu du front. Cette « alamat essoudjoud », signe de prosternation qui fait partie du grand ensemble des signes extérieurs de la foi, est aussi signe des temps ; c'est le premier chef du gouvernement qui arbore ainsi des marques pour l'extérieur d'un sentiment intérieur. Mais de même que les Algériens ont souvent préféré ceux qui parlent bien à ceux qui font bien les choses, à l'image des présidents et ministres qui discourent si bien sur la nécessité du dialogue tout en faisant brutalement arrêter les syndicalistes du CNES, les Algériens préfèrent aussi la forme au fond. Pour un grand nombre d'entre eux, un chef du gouvernement qui prie est une bonne chose et un dirigeant qui possède une telle marque sur le front est forcément quelqu'un de bien. Dès lors, les questions qui se posaient n'ont plus d'importance ; comment de vieux et vieilles Algérien(ne)s qui font leurs cinq prières quotidiennes depuis plus de 60 ans n'ont pas de marque sur le front ? Parce que pour avoir une marque au front comme Belkhadem, il faut se frotter le front contre le tapis de prière. Pourquoi se frotter le front ? Pour que la marque apparaisse. La boucle est ainsi bouclée et la population rassurée. Il ne sert à rien de rappeler qu'un jeûneur peut aussi être un voleur et qu'un prieur peut aussi être un receleur. Heureusement, contrairement aux électeurs, Dieu sait ce qu'il y a dans les cœurs et ne juge pas les hommes en fonction de ce qu'ils portent sur le front. Mais Dieu ne vote pas.