Le président Hassan Sheikh Mohamud s'était juré d'avoir la tête de son Premier ministre, Abdi Farah Shirdon, qu'il accuse de tremper dans de nombreuses affaires de corruption et il l'a eue. La crise entre les deux dirigeants a enflé pendant près d'un mois avant de connaître lundi son épilogue. Le point d'orgue de cette crise a été atteint dimanche lorsque le vote par le Parlement somalien d'une motion de défiance contre Abdi Farah Shirdon a été reporté sine die après, en effet, que le chef du gouvernement eut été empêché d'accéder au Parlement. Les discussions ont donc très logiquement été reportées à lundi. Et sans grande surprise, le Parlement somalien a adopté à une large majorité la fameuse motion de défiance contre le Premier ministre Abdi Farah Shirdon. Ayant réussi le pari difficile de faire consensus contre lui, celui-ci continuera néanmoins son travail jusqu'à la nomination de son successeur et d'un nouveau gouvernement. Reste à savoir, maintenant, si Abdi Farah Shirdon se pliera à la décision du Parlement. Rejetant les accusations portées contre lui, le Premier ministre avait jusque-là refusé de démissionner comme le lui avait demandé Hassan Sheikh Mohamud. Les tensions entre le président somalien et son Premier ministre ont surgi au grand jour début novembre, quand la gouverneure de la Banque centrale, Yussur Abrar, a jeté l'éponge, affirmant, malgré les démentis du gouvernement, avoir subi des pressions pour prolonger des contrats douteux. Mais des proches du Premier ministre préfèrent politiser l'affaire. Ils indiquent que le conflit remonte en fait à septembre, au moment d'une proposition de remaniement ministériel. M. Shirdon aurait alors demandé la tête de trois alliés-clés de M. Mohamud, dont le puissant ministre de l'Intérieur. D'où, explique-t-on, le clash entre les deux décideurs. Même s'il suit avec circonspection l'évolution de cette crise politique, le patron de l'Amisom, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, garde bon espoir de voir les choses se tasser bientôt. Et cet optimisme s'appuie, selon lui, sur le fait que ce conflit n'est pas le résultat d'un clivage clanique, ce qui aurait été difficile à régler, mais plutôt un simple différend entre personnes. Pour éviter justement une accentuation de la crise, Mahamat Saleh Annadif a multiplié ces derniers jours les rencontres autant avec le président somalien qu'avec le Premier ministre. Son objectif : essayer de leur faire comprendre la nécessité de placer la Somalie au-dessus des intérêts partisans et de leur rappeler que le pays, encore extrêmement fragile, pourrait avoir du mal à se relever d'une crise politique prolongée, surtout que les extrémistes shebab, qui sont actuellement sur le déclin, n'attendent que la moindre occasion pour occuper à nouveau la scène politique et travailler au corps la société somalienne déjà très conservatrice. Malgré le fait que tout le monde donne l'impression d'être conscient des enjeux, il est néanmoins à craindre que les luttes de pouvoir continuent à prendre le pas sur les dossiers prioritaires, comme l'édification d'un Etat viable. Celles-ci devraient malheureusement aller crescendo au fur et à mesure qu'approche 2016, date à laquelle il est prévu des élections générales dans toute la Somalie. Il se trouve que de nombreux acteurs veulent garantir dès maintenant une place au soleil dans la Somalie post-shebab.