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Mandela : «C'est l'Algérie qui a fait de moi un homme«
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Publié dans El Watan le 07 - 12 - 2013

Dans la lutte de Nelson Mandela contre l'apartheid, l'Algérie était une des étapes décisives.
Début mars 1962, alors que le mouvement de libération nationale était sur le point de vaincre le colonialisme, le leader de l'African National Congress (ANC) radicalise son combat en renonçant à la non-violence inspirée de Gandhi. «Il est désormais inutile et futile de continuer à parler de paix et de non-violence avec un gouvernement qui ne répond que par des attaques sauvages», avait-il déclaré, lors d'une première interview télévisée en réaction à l'aveuglement du régime raciste qui massacrait des populations noires à Sharpeville et Soweto. L'ANC décide alors de passer à l'action violente et se dote d'une branche armée, Umkonto we size (fer de lance de la nation).
Les maquis de l'Armée de libération nationale (ALN) étaient tout indiqués pour accueillir les activistes de l'ANC tant les pays voisins de l'Afrique du Sud étaient «sous contrôle» des services de Pretoria. «Dans le but de lancer la lutte armée, l'ANC avait chargé Mandela de quitter clandestinement l'Afrique de Sud pour prendre contact avec les mouvements de libération en Afrique. Et comme les pays voisins étaient tous sous domination coloniale, cela constituait une ceinture de sécurité pour le régime de l'apartheid. Il n'y avait aucune possibilité de trouver une base arrière aux frontières et pour la formation militaire des combattants de l'ANC. Et c'est comme cela que Mandela s'est rendu en Ethiopie, en Egypte où il a pris contact pour la première fois avec le gouvernement provisoire», témoigne le diplomate Noureddine Djoudi. C'était la rencontre d'un combattant venu de l'extrême Sud du continent avec un mouvement de libération qui a inspiré tant de mouvements indépendantistes.
La rencontre de deux mouvements de libération dont les valeurs fondatrices convergent. Du Caire, Mandela rejoint le Maroc où il rencontre le docteur Chawki Mostefai, alors représentant du GPRA. «Mostefai le met alors en contact avec l'état-major de l'Ouest à Oujda, plus exactement avec le commandant Si Slimane, nom de guerre de Kaïd Ahmed. Ne parlant ni arabe ni français, Kaïd Ahmed a dû confier Mandela et son compagnon Reisha à Cherif Belkacem. Omar Belmehdjoud fait appel à moi pour servir d'interprète. Et c'est comme cela que je suis devenu témoin privilégié des premiers contacts entre l'ALN et le leader sud-africain», se souvient encore Noureddine Djoudi, qui était alors jeune officier anglophone dans le commissariat politique.
L'arrivée de Madiba à l'état-major Ouest se déroule dans le secret le plus total. Si le régime de Pretoria découvre sa présence parmi les combattants de l'Armée de libération nationale et le camp d'entraînement militaire ce serait fatal pour le leader anti-apartheid. Pour éviter que les services de renseignement sud-africains ne soient au courant de l'arrivée de Mandela en Algérie, il est intégré dans la délégation de la Conférence des organisations nationalistes des colonies portugaises qui devait être reçue par l'ALN. Pendant son court séjour avec les combattants de l'ALN, Nelson Mandela apprendra le maniement des armes de guerre. «C'est dans le camp d'entraînement que Mandela tire une balle pour la première fois de sa vie. Nous l'avons même emmené dans les zones nord des opérations. Il y avait un officier de l'ALN qui s'appelait Bilal, un Noir originaire de l'Oranie qui dirigeait une parade militaire. En voyant cette scène Mandela avait lancé : ‘Voyez dans ce pays de justice un Noir commande les Blancs'», raconte encore M. Djoudi.
En plus de l'instruction militaire dont il avait bénéficié, le leader africain quitte le camp de l'ALN avec l'assurance que l'Algérie combattante allait porter un soutien total et sans faille au combat des Noirs contre le régime de Pretoria. «Cherif Belkacem assura Mandela que l'Algérie indépendante ne manquerait pas de manifester sérieusement et concrètement sa solidarité avec le peuple sud-africain dans son combat», se rappelle encore Noureddine Djoudi. Un acte qui va sceller une alliance historique entre le mouvement de libération national et l'ANC. Le séjour du leader africain parmi les combattants de l'ALN a forgé une alliance fondée sur les valeurs de la liberté, de l'émancipation des peuples et la de dignité humaine. Nelson Mandela quitte l'Algérie, abreuvé à la matrice révolutionnaire algérienne. Il regagne l'Afrique du Sud où il se fait arrêter. Commence alors pour lui la longue nuit carcérale dans le sinistre bagne de Robben Island, l'île-prison.
1974, L'Algérie exclut la délégation de Pretoria de l'ONU
Dès les premiers jours de l'indépendance, Alger devient une plaque tournante des mouvements de libération africains. Elle est à la pointe du combat libérateur du continent. Une Mecque des révolutions. Ce que faisait dire au leader de la Guinée Bissau, Amilcar Cabral : «Les musulmans vont à La Mecque, les révolutionnaires à Alger.» Noureddine Djoudi, un africaniste convaincu, est envoyé en Tanzanie en 1963 où il est chargé, entre autres, de l'organisation des camps d'entraînement pour les mouvements de libération. Hasard de l'histoire, le diplomate Djoudi est envoyé en tant qu'ambassadeur en Afrique du Sud pour retrouver l'homme qu'il avait accueilli, 40 ans plus tôt, dans un camp de l'ALN.
Résolument tournée vers l'Afrique, l'Algérie accueillera sur son sol des dizaines de combattants de l'ANC pour une formation militaire, à l'instar des autres mouvements indépendantistes comme le MPLA (Angola) et le Frelimo (Mozambique). Conscient de l'importance de la bataille diplomatique, l'ANC a ouvert un bureau à Alger, rue Larbi Ben M'hidi, d'où sont parties les campagnes médiatiques dénonçant la violence infligée aux Noirs sud-africains par le régime raciste de Pretoria. Une campagne diplomatique anti-apartheid, fortement soutenue par l'Algérie, est intensivement menée pour atteindre son point fort à l'Assemblée générale des Nations unies de 1974, présidée par le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Bouteflika. A l'instigation de ce dernier, la délégation de l'Afrique du Sud fut exclue des travaux de l'Assemblée générale. Une première dans les annales.
L'événement a eu un retentissement mondial et plusieurs pays ont appuyé la démarche mettant en échec les tentatives des Etats-Unis, de la France et d'Israël qui manœuvraient pour empêcher l'exclusion de cette délégation.
Ce succès diplomatique fut suivi de l'exclusion des représentants du régime ségrégationniste des autres organisations internationales telles que l'Unesco, de la FAO et du Comité international olympique. Un tournant décisif dans la longue marche contre l'Etat raciste de Pretoria. La longue marche pour la liberté a triomphé sur l'oppression après tant de souffrance et de sacrifices. La chute du régime de l'apartheid était une victoire pour les Sud-Africains, mais aussi pour tous les Africains et les peuples épris de justice et de liberté. C'était également une victoire pour l'Algérie dont le combat se confondait avec celui de la patrie de Nelson Mandela. La disparition de cette icône planétaire est une perte aussi pour l'Algérie car il faisait partie de son héritage militant. La mort de Madiba doit rappeler aux deux peuples les solides liens qui les unissent et qu'il faudrait renforcer.


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