Les téléspectateurs algériens sont en émoi. Contrairement aux éditions précédentes, ils ne suivront pas l'intégralité des rencontres de la Coupe du monde 2006 qui aura lieu en Allemagne (9 juin - 10 juillet). A quelques jours du début du grand rendez-vous mondial du ballon rond, qui passionne la planète, ils ont appris que la télévision algérienne n'allait pas retransmettre (toutes) les rencontres du Mondial... faute d'avoir acheté les droits. Ces derniers ont été raflés par la chaîne privée arabe ART du milliardaire saoudien cheikh Salah El Kamel. Ce dernier s'est (bien) prémuni contre d'éventuels concurrents en devenant l'unique acquéreur des droits de retransmission de la Coupe du monde FIFA des éditions 2006, 2010 et 2014. Jusqu'en 2014, il sera l'unique interlocuteur de la FIFA sur ce plan en ce qui concerne le Maghreb et le Moyen-Orient. Les téléspectateurs algériens qui escomptaient suivre la Coupe du monde 2006 via les chaînes européennes, plus particulièrement françaises (TF1, M6, Eurosport...), ont appris, avec stupéfaction, que les images des chaînes de l'Hexagone seront cryptées. Une question taraude l'esprit des téléspectateurs algériens. Pourquoi l'ENTV n'a pas acquis les droits de retransmission ? Le président-directeur général de la Télévision algérienne, Hamraoui Habib Chawki, lèvera le voile sur cette interrogation lors de la conférence de presse qu'il animera aujourd'hui au siège de la télévision. Sans être dans les secrets de l'Unique, on peut avancer, sans risque de se tromper, que le nerf de la guerre (l'argent) est l'unique raison de cette situation qui irrite les téléspectateurs et férus algériens du sport le plus populaire. A moins d'une semaine de l'ouverture du Mondial 2006, l'ENTV continue de négocier avec cheikh Salah pour offrir aux Algériens le maximum d'images en provenance des stades et pelouses allemandes. En plus des résumés de vingt minutes auxquels auront droit les téléspectateurs algériens, le PDG de l'ENTV a, semble-t-il, « arraché » à son homologue de ART la retransmission de sept rencontres, l'équivalent de ce que verront, au moins, les téléspectateurs des pays comme la Tunisie, l'Iran, le Ghana, la Côte d'Ivoire... si leur sélection passe le premier tour. Nos voisins, le Maroc et la Tunisie (pourtant qualifiée à la Coupe du monde), ne sont pas mieux lotis. Jusqu'à jeudi, par exemple, les Marocains n'avaient aucune certitude de suivre les rencontres du Mondial. Les résumés ne sont même pas programmés sur les chaînes marocaines. Les téléspectateurs tunisiens auront droit à sept matches, plus des résumés de vingt minutes. Elle est loin l'époque où les images de la Coupe du monde s'invitaient, presque gratuitement, dans la petite lucarne des foyers algériens. Les temps sont devenus durs depuis que la FIFA a sérieusement repris en main la gestion du volet marketing et images. Au lendemain de la Coupe du monde 1990 en Italie, la FIFA a cédé les droits de retransmission de la Coupe du monde 1994, aux Etats-Unis, et 1998, en France, à la société ISL, tout en étant actionnaire avec Adidas. A force de vouloir être partout (Tennis, Formule 1...), ISL a fait faillite. Leo Kirsh est alors venu à la rescousse de la FIFA. Il a racheté les droits d'ISL et connu la même mésaventure quelques années plus tard. La faillite de Kirsh a été consommée la veille du Mondial en Asie 2002. Le président de la FIFA, Joseph S. Blatter, en a pris pour son grade. Cette difficile situation intervenait en pleine campagne pour sa réélection. Une fois son deuxième mandat en poche, Joseph S. Blatter décide de récupérer les droits de retransmission de la Coupe du monde, propriété de la FIFA, pour les confier à FIFA-Marketing. C'est donc en Asie que la FIFA emprunte une nouvelle voie en matière de gestion et de vente d'images de la Coupe du monde. Au congrès (tumultueux) de Séoul 2002, la FIFA concède un dernier cadeau aux pays pauvres. Sous l'impulsion de Mohamed Raouraoua, à l'époque président de la FAF, les Africains demandent et obtiennent de la FIFA que le signal ne soit pas vendu excessivement cher aux pays du continent. Joseph S. Blatter a honoré sa parole, après que des dirigeants africains eurent pesé dans la balance lors du scrutin. Après avoir récupéré son bien (les droits de retransmission de la Coupe du monde), la FIFA a décidé de renflouer ses caisses à travers la cession des droits. Elle table sur des rentrées de l'ordre de trois milliards de dollars pour la Coupe du monde 2006 et le double dans quatre ans en Afrique du Sud. Pour réaliser cette juteuse opération, elle a créé la société INFRONT. Celle-ci s'est chargée de ventiler la vente des droits de retransmission par territoire (continent). La chaîne ART s'est empressée de rafler la mise dans le monde arabe. Elle a acheté les droits de retransmission excessivement cher, note un observateur au fait du dossier. Cheikh Salah s'est ensuite empressé d'informer les éventuels acquéreurs d'images du Mondial 2006 que la négociation était ouverte. Peu de clients se sont manifestés, pensant, probablement, que la charité prévaudrait... comme d'habitude. Erreur. Le propriétaire de ART s'est montré intransigeant. Détenteur exclusif des droits pour la région Maghreb - Moyen-Orient, il a décidé de ne pas libérer l'image au profit de ceux qui veulent « vivre » la Coupe du monde.. .à l'œil. Il aura le dernier mot parce que tous les autres acquéreurs de droits de retransmission de la Coupe du monde 2006 ont décidé de faire cause commune. Ils actionneront en même temps le Sport-Bil, un code qui ne laissera pas passer une image de la grande fête du football. Les Algériens, qui ne voudront pas se contenter du famélique programme Coupe du monde 2006 proposé par l'ENTV, des résumés de vingt minutes et éventuellement sept matches des soixante-quatre de la Coupe du monde 2006, devront se rabattre sur les cartes ART disponibles en Algérie. ART serait sur le point de mettre sur le marché 50 000 cartes. C'est peu pour satisfaire la (forte) demande des Algériens ferus de foot, même s'il faut reconnaître que le prix unitaire (9900 DA) n'est pas à la portée de toutes les bourses. A titre d'exemple, nos voisins maliens suivront toutes les rencontres de la Coupe du monde 2006 après que leur télévision eut acheté les droits, auprès des Sud-Africains, pour la modique somme de 40 000 dollars (considérations politiques ?), la moitié de ce que des pays africains déboursent pour obtenir le signal de la CAN. Mais ça c'est une autre histoire...