L'enquête sur les filles qui résident dans les cités universitaires, diffusée par la chaîne privée Ennahar TV, a suscité la colère aussi bien dans les campus que dans les milieux médiatique et associatif. L ‘ONOU a déposé une plainte contre la chaîne satellitaire privée Ennahar TV. Motif ? Cette dernière a diffusé mardi soir une enquête filmée sur les filles résidant dans des cités universitaires, ce que l'ONOU juge «diffamatoire et portant atteinte aux résidences universitaires», a-t-on indiqué jeudi dans un communiqué du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, repris par l'APS. Suite à la diffusion d'une enquête par la chaîne satellitaire Ennahar TV, mardi à 22h, sur «les résidences universitaires-filles», le directeur de l'ONOU a déposé plainte pour «diffamation et intention de nuire au secteur de l'Enseignement supérieur», précise le communiqué. Contacté par nos soins, Smaïl Felah, rédacteur en chef du journal Ennahar, regrette l'action entreprise par le ministère de l'Enseignement supérieur tout en l'invitant à ouvrir des enquêtes sur «les réseaux de trafic activant à l'intérieur des cités universitaires avec la complicité de certains responsables». Par réseaux de trafic, le rédacteur en chef d'Ennahar cible la gestion des marchés publics, l'octroi des chambres universitaires «à des personnes étrangères à la communauté universitaire». L'enquête d'Ennahar a heurté la sensibilité de toutes les étudiantes qui se sont déplacées au siège de cette chaîne de télé pour manifester leur colère et porter un démenti catégorique. Parents scandalisés «Cette enquête ne sert qu'à casser les efforts des étudiantes venues des contrées les plus lointaines pour construire leur avenir et celui de l'Algérie avec», dénonce une étudiante de la faculté de Dély Ibrahim. Ainsi, l'impact de cette enquête n'a pas tardé. «Juste après avoir vu cette enquête, des parents furieux sont venus récupérer leurs filles qui résident dans des cités universitaires», raconte un témoin oculaire qui était de passage devant la cité universitaire d'Ouled Fayet. Questionné à propos des conséquences de cette enquête sur le devenir de milliers d'étudiantes, M. Felah déclare qu'«Ennahar n'est pas responsable si les gens ne savent pas raisonner et généralisent les choses». Le rédacteur en chef d'Ennahar accuse certains milieux médiatiques sans les nommer ainsi que les islamistes, faisant allusion aux organisations estudiantines. D'après ses dires, ce sont ces parties qui poussent les gens à réagir à cette enquête. Cependant, cette dernière n'a pas choqué uniquement les gens «qui ne savent pas raisonner». Les représentantes des associations féminines sont en concertation depuis la diffusion de cette enquête pour décider d'une action à entreprendre en réaction commune à ce qu'elles qualifient d'«atteinte grave aux libertés individuelles». «Ce n'est pas de cette façon qu'on traite un problème social, si ce dernier existe. Les médias ont une responsabilité», estime Nouara Saâdia Djaâfar, sénatrice, soulignant que ce n'est pas à partir de cas rares qu'on construit une image de la femme. L'ex-journaliste lance un appel aux parents inquiets suite à la diffusion des images sur la vie à l'intérieur de la cité universitaire afin qu'ils fassent preuve de sagesse. «On ne règle pas un problème en en provoquant d'autres», estime la sénatrice, rappelant que le rôle des médias est d'abord éducateur. «L'enfant du peuple ciblé» Les résidences universitaires sont généralement fréquentées par des étudiantes qui viennent des régions lointaines et n'ont pas les moyens de louer des appartements bien équipés. «Ce qui n'a pas été fait par le FIS durant sa campagne dénigrant la femme a été réussi par Ennahar en 45 minutes», s'emporte Hadda Hazem, directrice du journal Al Fadjr. Et d'enchaîner : «C'est un massacre ! Ennahar a détruit tout ce que les femmes ont bâti pendant 50 ans.» Avant de revenir sur la démarche suivie par les deux journalistes, Mme Hazem s'est attardée sur l'arrière-pensée du choix de cette thématique : «On s'attaque aux cités universitaires fréquentées par les enfants du peuple. Mais on ne peut pas toucher aux boîtes de nuit fréquentées par les enfants des riches.» «Pourquoi les auteurs de cette enquête ne s'intéressent-ils pas aux enseignants qui font du chantage, au niveau des universitaires, aux conditions de vie à l'intérieur de ces cités au lieu de révéler la vie privée des gens ?», s'interroge la directrice d'Al Fadjr. «Ce qu'a fait Ennahar n'a rien de professionnel», conclut-elle.