Les droits de l'enfant on été longuement débattus en Algérie. L'année 2013 a été particulièrement fatale et marquée par les enlèvements d'enfants, leur maltraitance, les violences sexuelles perpétrées à leur encontre et leur assassinat ont provoqué la réaction de tout un peuple touché dans sa dignité et son amour-propre ne pouvant protéger sa progéniture fragile et vulnérable contre des prédateurs aux visages souvent inoffensifs, mais néanmoins criminels. Le dernier crime en date est celui dont les faits remontent au 15 novembre dernier perpétré dans un douar de la commune de Sour, à Mostaganem, où un enfant de 8 ans a subi l'acte le plus ignoble qu'une personne puisse commettre, l'enfant a été abusé sexuellement par un adulte de 25 ans. La victime sera marquée à vie. Partout dans le monde, on célèbre la Journée des droits de l'enfant en évoquant la Convention des droits de l'enfant dont on célèbre le 14e anniversaire. En adoptant, le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), la communauté internationale et par la suite les Etats parties, qui sont aujourd'hui au nombre de 193, ont reconnu un nouveau statut aux enfants et adolescents. En effet, cette convention consacre une large panoplie des droits pour les êtres humains âgés de moins de 18 ans, y compris des droits novateurs, comme celui d'être entendus et d'exprimer librement leur opinion sur toute question les intéressant (article 12 de la CIDE). La Convention relative aux droits de l'enfant est le premier instrument juridique international ayant force obligatoire. S'inspirant de différents systèmes juridiques et traditions culturelles, la Convention forme un ensemble de normes et d'obligations universellement acceptés et non négociables. Avant de ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant ou peu après, les Etats sont tenus d'harmoniser leur législation nationale avec ses dispositions. De la sorte, les normes applicables aux droits de l'enfant ne seront plus une simple aspiration, mais auront force obligatoire au niveau national. Par ailleurs, la ratification comporte pour les Etats l'obligation d'avoir à répondre publiquement et sur le plan international de leurs actions. Ce traité international a donc permis aux enfants de passer du statut d'objet à celui de sujet de droit et ceci est indiscutablement un progrès immense qui concerne en principe tous les enfants. D'ailleurs, le Comité des droits de l'enfant (CDE) a toujours insisté sur le fait que l'enfant doit être considéré comme sujet actif de droits et qu'il rejette ce qu'il appelle «la logique de charité et la manière paternaliste d'aborder les droits intéressant les enfants». La Convention sur les droits de l'enfant a été adoptée le 20 novembre 1989 par 193 Etats et jouit ainsi d'une reconnaissance quasi universelle (les Etats ne l'ayant pas reconnue sont les Etats-Unis d'Amérique et la Somalie). Le Comité des droits de l'enfant (CDE), qui est le mécanisme créé par la Convention pour surveiller la mise en œuvre par l'Etat partie des droits contenus dans cette dernière, a été établi en 1991 sur la base de la disposition de l'article 43 de la CIDE. Il est donc un mécanisme international chargé de surveiller les progrès réalisés dans l'application de la Convention. Ses tâches principales sont d'étudier les rapports initiaux et périodiques, soumis par les Etats parties au titre de l'article 44 de la Convention et de collaborer avec les organismes chargés de l'exécution des traités, des institutions spécialisées des Nations unies et autres organes afin de promouvoir la Convention et la mise en œuvre des droits de l'enfant. Aujourd'hui, le Comité des droits de l'enfant, à l'instar des autres comités onusiens, transmet ses observations finales au Conseil des droits de l'homme (CDH) qui les utilise comme support dans son dossier de fond dans le cadre de l'examen périodique universel (UPR) auquel se soumettent les Etats (l'Algérie a été élue pour la deuxième fois au CDH le 12 novembre 2013) . L'article 44 de la Convention relative aux droits de l'enfant énonce l'obligation pour les Etats parties de soumettre au Comité des droits de l'enfant un rapport dans les deux ans suivant la ratification de la Convention, puis tous les cinq ans. Le comité peut demander des renseignements complémentaires relatifs à l'application de la Convention. Le Comité des droits de l'enfant soumet un rapport annuellement à l'Assemblée générale des Nations unies sur ses activités par l'intermédiaire du Conseil économique et social. Les Etats parties doivent mettre leur rapport à la disposition du grand public. En 24 ans de travail, le comité a examiné les progrès accomplis dans plus de 160 pays, il a reçu 600 rapports, dont 132 ont été soumis dans le cadre des protocoles facultatifs. Le comité a examiné des rapports pour déterminer le progrès accompli par les Etats parties dans l'application de la Convention, Mais force est de constater qu'aucun Etat partie n'est à ce jour parvenu à pleinement mettre en œuvre tous les droits reconnus dans la Convention. La raison réside dans le fait que ce traité reconnaît d'une part des normes exigeantes qui, pour certaines, nécessitent une mise en œuvre progressive et, d'autre part, des normes novatrices qui souvent défient les mentalités et les habitudes, notamment les articles 12 (le droit de l'enfant d'être entendu), 14 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 16 (droit au respect de la vie privée). Le respect des droits de l'enfant repose surtout sur une volonté politique et une capacité à changer les attitudes et mentalités existantes par rapport au rôle de l'enfant dans la société et ceci en développant une culture des droits de l'homme. L'article 4 impose aux Etats parties l'obligation de mettre en œuvre tous les droits reconnus dans la Convention relative aux droits de l'enfant ; ils doivent pour cela «prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires», et c'est seulement dans le cadre des droits économiques, sociaux et culturels qu'il est prévu que les Etats prendront ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et s'il y a lieu dans le cadre de la coopération internationale. Bien qu'il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de modèle législatif ou administratif particulièrement recommandé, le Comité des droits de l'enfant a proposé un vaste éventail de stratégies grâce auxquelles les gouvernements peuvent accorder aux enfants la priorité et l'attention voulue pour mettre en œuvre efficacement la Convention. Dans ses directives générales devant guider les Etats parties pour la rédaction des rapports initiaux, le comité a souligné qu'il est très important de s'assurer que la législation nationale est compatible avec la Convention et que les politiques concernant les enfants sont convenablement coordonnées dans et à tous les niveaux administratifs. Le comité insiste sur l'importance accordée au fait que la législation reflète les principes généraux de la Convention, à savoir le droit à la vie, la survie et le développement (art.6 de la CIDE) la non-discrimination (art.2 de la CIDE), l'intérêt supérieur de l'enfant (art.3 de la CIDE) et son droit à être entendu, notamment par les instances judiciaires et administratives (art.12 de la CIDE), l'accent étant mis sur l'enfant sujet de droit.Le comité a recherché des processus garantissant la prise en compte de l'intérêt des enfants dans la formulation de la politique. L'article 3 de la CIDE demande aux Etats de s'assurer que l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant. A cet égard, il convient de mettre en place un système qui permette d'analyser les conséquences pour l'enfant des actions gouvernementales. Le comité a donc commencé à proposer que les Etats adoptent un système global d'évaluation de l'impact sur les enfants. Lors de l'examen des rapports des Etats, le comité demande aux Etats d'examiner et de retirer leurs réserves, en particulier quand une réserve semble incompatible avec l'objet et le but de la Convention (article 51 de la Convention). Le comité a déclaré dans ses recommandations l'incompatibilité des réserves soumises par l'Etat à l'égard de l'article 4 de la Convention et de ses principes généraux. Le nombre de réserves émises par les Etats parties est un indicateur de la fragilité de la Convention, même si cette dernière enregistre le plus grand nombre de ratifications (193) en comparaison avec d'autres conventions de protection et promotion des droits de l'homme. Le comité a souligné que la coordination de l'action pour l'application de la Convention ne devait pas concerner uniquement les services publics, mais bien la société toute entière. Il rappelle à chaque occasion l'importance de la participation des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société en général, et surtout de la participation directe des enfants et des jeunes. Dans l'une de ses recommandations, le comité avait précisé : «A l'Etat partie d'envisager systématiquement de faire participer la société civile, tout particulièrement les associations et groupes de défense des enfants, à tous les stades de la mise en œuvre de la Convention, notamment à celui de l'élaboration des politiques». Le comité recommande la création d'institutions nationales indépendantes des droits de l'homme (commissaire, médiateur ou défenseur, ombudsman ou coordonnateur des droits de l'enfant au sein des commissions des droits de l'homme). Ces dernières ont pour mission de surveiller l'application de la Convention au niveau interne et doivent présenter un rapport alternatif au comité en pré-session. Leurs recommandations sont prises en considération par le comité. Le comité prie invariablement chaque Etat partie d'assurer une large diffusion à son rapport initial, aux rapports périodiques et aux observations finales de celui-ci. Il leur demande aussi instamment d'assurer la traduction des documents dans les langues appropriées et de prendre les mesures voulues pour que ces rapports puissent être débattus au Parlement et examinés par les organisations non gouvernementales. Le Comité des droits de l'enfant formule des observations générales fondées sur les articles et les dispositions de la Convention en vue de promouvoir son application et d'aider les Etats parties à remplir leurs obligations sur le plan des rapports. Il peut aussi formuler des recommandations générales en se fondant sur des informations reçues à l'occasion des rapports ou venant d'autres sources. En 1998, le comité a adopté une recommandation sur les enfants dans les conflits armés. Récemment, le comité, par le biais de ses recommandations, a permis à une étude sur la violence d'aboutir. Il faut observer la recommandation relative à un système de plaintes individuelles… L'impact de la Convention depuis 1989 a été considérable. En premier lieu, les Etats ont reconnu que les enfants et adolescents ont aussi des droits humains, tant au niveau civil et politique qu'au niveau des droits économiques, sociaux et culturels. Ensuite, des changements importants ont été introduits à l'échelle nationale, non seulement d'ordre législatif, mais également dans le cadre politique et institutionnel. L'institution d'un médiateur indépendant pour enfants dans de nombreux pays du monde illustre une mesure concrète inspirée de la Convention qui s'est souvent avérée être un outil utile et efficace pour protéger et promouvoir les droits de l'enfant. L'écoute systématique de l'enfant et la prise en compte de son opinion à la maison, à l'école et devant la justice représente également un changement fondamental qui a été consacré dans de nombreux pays. L'interdiction consacrée dans la loi et la pratique de nombreux pays d'utiliser les châtiments corporels et toute autre forme de violence à l'encontre des enfants et adolescents est également un résultat encourageant. Enfin, les mesures énergiques prises par de nombreux gouvernements pour combattre les abus et l'exploitation sexuelle des enfants est une autre illustration de la mise en œuvre de la Convention. Au niveau international, la Convention a également fortement influencé les politiques et programmes des gouvernements, des Nations unies et des organisations non gouvernementales. Désormais, le développement durable, le renforcement de la démocratie et de la paix tiennent plus systématiquement compte des normes internationales en matière de droits de l'homme, y compris des droits de l'enfant. Il n'est toutefois pas suffisant de rappeler les succès de la Convention. Sa mise en œuvre repose sur un processus dynamique permanent. Chaque enfant, quel que soit son statut social, économique, politique ou autre a le droit au respect de ces droits. Ceci représente un grand défi pour les gouvernants. A cet égard, la Convention est un guide incontournable, car elle conçoit l'enfant comme une entité active de la société, qui est en interaction avec son entourage. Les enfants ne peuvent attendre, répètent souvent aux gouvernements les membres du Comité des droits de l'enfant. Alors travaillons tous ensemble à la mise en œuvre de leurs droits humains. Kamel Filali. Professeur de droit. Vice-président de la Commission de l'Union africaine pour le droit international (Cuadi), ancien vice-président de la Commission internationale des droits de l'enfant (CIDE), membre de l'International Board of Trustee of ACPF et membre de la Commission nationale des droits de l'homme.