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les forces qui se battent pour le contrôle du Moyen-Orient veulent faire de l'Algérie une banque de djihadistes Fethi Ghares. Spécialiste de la mouvance islamique et porte-parole du Mouvement démocratique et social
-Les conflits entre sunnites et chiites prennent de plus en plus d'ampleur dans le monde arabe, notamment, en Irak, au Yémen et en Syrie. Quelle est l'origine de ces conflits ? Tous les courants religieux issus de l'islam, notamment le chiisme, le sunnisme et le mysticisme sont le fruit de conflits politiques autour du pouvoir. Le chiisme a pris forme depuis l'assassinat d'Al Hussein Ibn Ali, le petit-fils du Prophète Mohamed. Ces courants politiques ont pris, petit à petit, une forme théologique pour devenir ensuite des écoles religieuses. Le conflit tel que nous le connaissons actuellement a atteint son paroxysme, depuis que le chiisme s'est doté d'un Etat, avec l'empire ismaélite fatimide qui se disputait le pouvoir avec les abbassides sunnites. Les conflits religieux, qui existent actuellement dans le monde arabe ou musulman, sont, en réalité, des conflits d'intérêts entre Etats, alimentés par les divergences religieuses. -Comment perdurent-ils aujourd'hui ? Le citoyen du monde arabe vit entre deux mondes. Le monde moderne qui ne s'est pas encore imposé, et le monde ancestral qui reste influent et qui ne s'est pas encore achevé. L'échec de l'Etat-nation, qui n'a pas consacré la citoyenneté, la modernité et les valeurs et principes démocratiques, a fait qu'on ne sépare toujours pas le religieux du politique. Les Américains avec l'appui des Saoudiens d'un côté, et l'Iran de l'autre, se battent pour le contrôle de la région en créant des guerres confessionnelles. Actuellement, on est en train de réactiver quelque chose qui a déjà existé. L'islamisme a toujours été dopé par l'impérialisme. Ce qui se passe en Syrie n'a rien d'un conflit religieux. L'islamisme a toujours servi d'instrument pour contrer les mouvements de libération dans le monde musulman et dans le monde arabe qui étaient sous l'influence de la gauche, notamment, après la révolution bolchevique. -Ces Algériens qui partent «étudier» les sciences islamiques dans ces pays et participent parfois aussi au djihad sont-ils une menace pour l'Algérie comme ceux partis en Afghanistan ? L'Algérie n'est pas une terre de conflit, mais les forces qui se battent pour le contrôle du Moyen-Orient veulent faire d'elle une banque humaine de djihadistes avec assise wahhabite. Sachant que le wahhabisme a été créé justement au XVIIIe siècle pour contrer le chiisme et le soufisme. Ils endoctrinent nos concitoyens qui partent à Dammaj, au Yémen, pour les préparer à devenir des machines de guerre et de mort. En Afghanistan, les talibans ont exactement agi de la même façon. Ils ont commencé par des écoles coraniques mais ont fini chez Al Qaîda. Les réseaux djihadistes sont interconnectés à travers le monde. C'est une sorte de révolution continue. La seule manière d'assurer cette continuité est de garantir un vivier de djihadistes en maintenant une tension permanente et en créant des zones de conflit un peu partout dans le monde arabe. Comme en Irak, en Afghanistan, en Syrie, au Yémen, en Libye et en Tunisie actuellement. La question que vous me posez est celle que se posent tous les Tunisiens aujourd'hui. Qu'adviendra-t-il de tous ces djihadistes qui partent dans ces pays, notamment en Syrie ? Tôt ou tard, ils reviendront dans leur pays d'origine comme c'était le cas pour les Algériens en Afghanistan. Ils vont sûrement alimenter le terrorisme dans nos pays. La solution reste politique, il faut instaurer un Etat moderne basé sur des valeurs et des principes démocratiques, où l'homme est considéré comme citoyen et non comme croyant. Il est aussi impératif de séparer le religieux du politique. L'Etat algérien ne veut pas en finir avec les idéaux qui ont permis l'émergence de l'islamisme dans notre pays. L'islamisme a été, certes, vaincu militairement et politiquement, mais pas idéologiquement. Le discours islamisme attire toujours. Et c'est là où réside le danger.