L'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski, est sorti de prison hier, gracié par le président Vladimir Poutine après un peu plus de dix ans passés derrière les barreaux. Le Kremlin a publié hier matin un bref communiqué indiquant que Vladimir Poutine avait gracié celui à l'égard duquel il n'avait pas dissimulé dans le passé son hostilité personnelle. La veille, il avait annoncé que M. Khodorkovski, qui s'y était toujours refusé auparavant, avait sollicité une grâce, sa mère étant atteinte d'un cancer. «Guidé par des principes humanitaires, je décrète que Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski (...) doit être libéré avant la fin de sa peine», a écrit M. Poutine dans le décret à effet immédiat, selon le communiqué repris par la presse. «Je n'arrive pas encore à réaliser», a déclaré la mère de M. Khodorkovski, Marina, à la télévision russe, la voix tremblante. Des analystes politiques et économistes ont estimé que Vladimir Poutine cherchait à améliorer le climat des affaires, et l'image de la Russie à l'approche des jeux olympiques de février à Sotchi, un projet de première importance pour le président russe. Le nouveau ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a salué dès hier soir une «bonne nouvelle». L'annonce de la grâce de M. Khodorkovski a surpris aussi bien ses avocats que la famille de l'ex-oligarque qui fut un temps l'homme le plus riche de Russie. Le quotidien Kommersant a affirmé hier que M. Khodorkovski, libérable en août 2014, a accepté de demander une grâce après avoir reçu en détention la visite de membres des services secrets qui ont évoqué la perspective d'une nouvelle condamnation et lui ont raconté que l'état de santé de sa mère se dégradait. Le parquet russe avait évoqué début décembre à la surprise générale une nouvelle enquête contre l'ancien patron du groupe pétrolier Ioukos. «Cette conversation, qui s'est déroulée sans la présence d'avocats, a contraint Mikhaïl Khodorkovski à s'adresser au président», ajoute Kommersant. Considéré un temps comme l'un des citoyens les plus influents de Russie, Mikhaïl Khodorkovski a été arrêté en 2003 et condamné en 2005 à huit ans de camp pour «escroquerie et fraude fiscale». Cette peine a été portée à 14 ans à l'issue d'un deuxième procès en 2010 pour «vol de pétrole et blanchiment» de 23,5 milliards de dollars, toutes accusations dénoncées comme infondées par ses avocats. La peine sera ensuite réduite à 11 ans. Pour de nombreux observateurs étrangers, Mikhaïl Khodorkovski, aujourd'hui âgé de 50 ans, a été la victime d'un règlement de comptes organisé par Vladimir Poutine. Selon d'autres, l'ancien Golden boy n'était qu'un maffieux et méritait donc son sort. Qu'à cela ne tienne, la presse occidentale rapproche la grâce de Khodorkovski de l'amnistie adoptée mercredi, qui devrait lever les poursuites contre l'équipage de Greenpeace, parmi lesquels 26 étrangers, et libérer les deux jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire Pussy Riot, deux dossiers qui ont contribué à détériorer encore l'image de la Russie dans le monde. Pour le journal Vedomosti, «Poutine a plusieurs raisons pour avoir voulu résoudre le cas Khodorkovski : la dégradation de l'image de la Russie à la veille des JO de Sotchi, la stagnation de l'économie, le mauvais climat des affaires». La nouvelle de la grâce a fait monter la Bourse jeudi, a observé ce quotidien des affaires.