La doctrine de défense nationale s'inspire des principes de l'ALN. Elle s'inspire également de la doctrine de la non-ingérence qui fonde notre diplomatie depuis l'indépendance. - La doctrine de défense nationale, on en parle, certes, mais existent-ils des documents officiels spécifiant exactement ce que c'est ?
Il n'existe pas de document appelé doctrine de défense nationale. Actuellement, il n'y a que des lignes directrices consignées dans la Constitution. C'est le seul texte de référence. Nous avons une école de défense qui actuellement travaille sur ce document. C'est une doctrine d'école donc qui n'est pas réellement valable pour la nation pour application. Elle est variable suivant le profil de l'ennemi… Nous avons annuellement des directives de préparation opérationnelle. Des directives de préparation au combat et qui vont de l'échelle micro à l'échelle macro. La doctrine de défense nationale s'inspire des principes de l'ALN. Elle s'inspire également de la doctrine de la non-ingérence qui fonde notre diplomatie depuis l'indépendance. D'autre part, la Constitution ne donne pas cette dimension d'intervention à l'étranger dans la mesure où elle limite les missions de l'armée à la défense et à la protection du territoire national. Partant de ces principes que je qualifierais même de dogmes, la projection à l'extérieur du pays est pratiquement non envisageable pour le moment.
- Cela veut-il signifier qu'une réflexion est engagée pour revoir cette doctrine ?
Sincèrement, je ne peux pas me prononcer. Si réflexion il y a ou il y aura, elle doit d'abord se matérialiser au niveau de la Constitution. C'est la Loi fondamentale qui doit préciser si l'ANP doit se projeter dans le futur à l'extérieur du territoire. Par ailleurs, l'expérience nous enseigne que les pays qui s'engagent sur cette voie sans avoir au préalable atteint des niveaux de capacités et de maîtrise opérationnelle, remplissent en fait des missions de gendarme pour le compte de puissances étrangères. De la sous-traitance, en somme, de missions. Une sous-traitance, qui plus est, est imposée.
- Le principe de non-intervention n'est-il pas à géométrie variable puisque le verrou constitutionnel n'a pas empêché justement l'ANP d'intervenir hors de ses bases, notamment lors des guerres arabes en 1967 et 1973 notamment ?
Oui. L'armée est intervenue dans une conjoncture assez particulière marquée par le panarabisme. Le contexte était vraiment exceptionnel. C'était l'exception qui échappait à la règle et dérogeait aux dogmes et principes de l'ANP.
- Pensez-vous que la situation de chaos sécuritaire aux frontières est avec la Tunisie et sud-est avec la Libye, Niger et Mali au sud-est et sud-ouest puisse achopper de révisions déchirantes en matière de cette doctrine de défense ?
Pour le moment, je ne le pense pas. Les missions accomplies aux frontières entrent dans le cadre de la coopération entre armées. En aucun cas, le djoundi algérien n'a dépassé la frontière avec la Tunisie par exemple.
- Les gros contrats d'armement signés avec les grands complexes militaro-industriels ne posent-ils pas le problème de la dépendance technologique qui est en soi un problème de sécurité nationale ?
Pour se libérer de la dépendance technologique, il n'existe qu'un seul moyen : créer, développer sa propre technologie. Par ailleurs, les moyens militaires vieillissent, deviennent obsolètes. L'usure atteint aussi bien le matériel que ses caractéristiques techniques. Les avions MIG-21 ne sont plus ceux du 21e siècle. Peut-être que les performances du MIG-29 seront déjà dépassées dans deux ou trois ans. Le renouvellement du matériel entre aussi dans ce cadre afin de pouvoir faire face aux menaces qui guettent le pays. Le défi est majeur tant notre périmètre de sécurité est immense et dont la maîtrise exige des moyens de surveillance et de contrôle très sophistiqués. De pointe comme le drones par exemple, des types de radars terrestres ou autres. Je ne suis pas imprégné du sujet des contrats, mais je présume que cette augmentation est orientée vers cette dimension.