La pharmacie de la polyclinique des Anasser, relevant du secteur sanitaire de Sidi M'hamed, reçoit habituellement un quota de 3000 flacons de trois différents types d'insuline. Ce médicament est destiné aux personnes diabétiques qui effectuent des consultations médicales au niveau de la polyclinique. Depuis août 2005, la livraison de l'insuline a été suspendue sur demande du médecin coordinateur de l'établissement. Cette décision, selon le docteur Asfirane, médecin chef, cache plutôt une situation plus grave : Des quotas d'insuline se seraient « volatilisés » de la pharmacie au fil des ans. La « gestion » de ce médicament a été dénoncée par Mme Asfirane. Dans un rapport adressé au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le 6 juin 2005, elle écrit : « Cette structure a été l'objet de détournement de médicaments et de matériel médical, mais aucune enquête judiciaire n'a été menée à terme pour la simple raison qu'il y a une complicité à haut niveau. » L'auteur de cette requête ne croit pas si bien dire, puisqu'aucune enquête judiciaire n'a été déclenchée après ses révélations. Deux mois après cet écrit, la polyclinique n'est plus alimentée en insuline. Pourquoi ? Mme Asfirane croit savoir que la suspension de l'approvisionnement est directement liée à ses différentes requêtes adressées à la tutelle. « Le détournement de l'insuline » de la pharmacie, affirme-t-elle, date de bien avant l'année 2004. Avec le temps, ce phénomène n'a fait que prendre de l'ampleur. « Le médecin diabétologue de la polyclinique, explique-t-elle, prescrit deux flacons aux patients. Une fois à la pharmacie, les malades sont renvoyés sous prétexte que ce médicament n'est pas disponible. Dans d'autres cas, on leur remet uniquement un flacon sans le mentionner sur l'ordonnance qui demeure à ce niveau. A la fin du mois, l'on comptabilise dans le meilleur des cas deux flacons au lieu d'un seul. C'est ainsi que des quotas d'insuline quittent la pharmacie. » Concernant le matériel médical qui a disparu des services de la polyclinique, le médecin chef cite quatre appareils : un électrocardiogramme, un spectrophotomètre, un aérosol et un microscope. A ce matériel médical, s'ajoute un téléviseur. « Des plaintes ont été déposées, parfois en retard, mais aucune enquête n'a été menée afin de savoir où sont passés tous ces appareils payés par les contribuables à prix d'or. Le plus drôle, ce sont les sanctions prises à l'encontre des agents de sécurité de l'établissement qui n'ont rien avoir dans cette histoire », ajoute Mme Asfirane. La preuve de ses accusations ? « J'ai un témoin », indique-t-elle avec assurance. L'affaire est restée pendante jusqu'au mois d'octobre 2005. « Deux inspecteurs du ministère de tutelle sont venus enquêter sur les accusations qui se seraient portées à la connaissance de Amar Tou », affirme encore le médecin chef. « Harcèlement » Lors de l'inspection, Mme Asfirane dit avoir été interrogée par les deux enquêteurs dans le bureau du directeur. « J'étais reçue par les deux enquêteurs après m'avoir fait attendre plus de deux heures en plein mois de carême. Ils m'ont interrogée, sans prendre en compte mes déclarations, durant 15 minutes. Ils voulaient notamment connaître l'identité de mon témoin et celle des complices au sein du ministère », raconte-t-elle. « Le médecin chef, qui a dévoilé l'identité de son témoin, ne s'attendait pas que son nom soit communiqué aux directeurs du secteur sanitaire. Encore, ces deux inspecteurs ont dévoilé le nom du témoin des détournements de médicaments et de matériel médical », écrit-elle dans un autre rapport, daté du 15 avril dernier, adressé notamment au ministère de tutelle. Dans le même écrit Mme Asfirane parle de « harcèlement ». « Nous avons été menacés tous les deux (le témoin et moi). Nous sommes constamment menacés par les responsables », déplore-t-elle. « Chaque jour, je subis des sentences. La dernière en date : on ma retiré de la commission paritaire alors que j'étais élue par la majorité des voix (41). On ne me convoque plus aux réunions. Même les personnes qui travaillent avec moi sont harcelées, voire sanctionnées », précise-t-elle. L'enquête, selon Mme Asfirane, a conclu à une « histoire personnelle » entre le médecin chef et le médecin coordinateur. L'affaire a été donc classée sans pour autant régler le problème de la suspension, toujours en vigueur, de l'approvisionnement en insuline. Silence de la tutelle Le directeur du secteur, M. Khelifa, a bien voulu nous recevoir, le 6 mai dernier, mais s'est refusé à toute déclaration au sujet de la suspension de l'approvisionnement de la polyclinique en insuline. « Il me faut l'accord de la tutelle. Vous devez d'abord contacter le ministère », a-t-il expliqué. Dans ce sens, un fax, portant demande d'entretien avec M. Khelifa, a été transmis, le lendemain, à la cellule de communication du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Une demande qui demeure, à ce jour, sans suite. Toutes nos tentatives de joindre le chargé de communication de ce ministère, pour de plus amples informations relatives à l'enquête, sont restées vaines.