Avec la démission de l'encadrement politique de la fédération de Béjaïa, le FFS perd un segment important dans son fief traditionnel, qui se réduit comme une peau de chagrin. Eclatement au FFS. Le Front des forces socialistes vient de subir un autre coup dur dans son fief traditionnel aggravant ainsi la crise dans laquelle il s'est enferré depuis quelques années déjà. La fédération de Béjaïa, l'une des plus puissantes de l'organisation, a rompu définitivement avec le parti. Un départ massif qui s'ajoute à une longue série de dissidences intervient à la veille de la réunion du conseil national du parti qui se tient aujourd'hui. Dans un long message au vitriol adressé aux militant(es), tout l'encadrement de la fédération annonçant sa démission s'en prend durement à l'appareil du parti accusé de renoncement et d'avoir sorti le FFS de sa ligne historique. «Nous, premier secrétaire fédéral, membres du secrétariat, élus APW et élus APC avons décidé de démissionner du parti. Vous comprendrez que ce n'est pas de gaieté de cœur que nous nous sommes résolus à cet ultime recours (…)», écrivent-ils à leurs camarades. Parmi les démissionnaires, figure le parlementaire Khaled Tazaghart, cheville ouvrière du parti. Après de longues années de militance au FFS, les cadres de la fédération de la vallée de la Soummam ont ainsi coupé le cordon avec leur parti, refusant de cautionner des positions «opposées» à la ligne originelle de la formation. «Pour un militant responsable, engagé, qui fonctionne et agit à la conviction, conviendrez-vous, la démission est tout aussi une manière d'assumer ses responsabilités, dont celle de pas avoir à cautionner des pratiques, des attitudes, des comportements, des positions, des méthodes diamétralement opposées, étranges et étrangères aux idéaux, aux principes et aux valeurs pour lesquels nous nous sommes engagés», assènent-ils. Les premiers signataires de la démission – 30 cadres – estiment que «des événements, des faits, des dérives qui, au fil des jours et des mois nous éloignaient visiblement davantage de notre parti, de sa ligne politique originelle, de son éthique, de ses traditions de concertation, de débats contradictoires et constructifs, de ses repères idéologiques et philosophiques, de son identité de parti d'opposition au système en place (…)». «Renoncement» Il est vrai que de nombreux acteurs politiques et autres observateurs de la scène politique nationale n'ont pas manqué de relever des positions «déroutantes dues au rapprochement du parti avec le pouvoir» depuis sa participation controversée aux élections législatives. Les responsables de la fédération de Béjaïa démissionnaires considèrent qu'ils ne pouvaient plus se complaire dans le silence face au «renoncement». «Les sympathisants et la population sont naturellement en mesure d'analyser et de constater que le FFS a, désormais, renoncé à son rôle de parti d'opposition pour abdiquer et se complaire dans celui de la figuration», réprimandent-ils dans leur violente attaque. Plus offensifs encore, les désormais ex-dirigeants fédéraux du FFS s'insurgent contre «un appareil hégémonique qui squatte le parti en déphasage ahurissant avec sa base militante. Des signes annonciateurs de l'hégémonie exercée par cet appareil sur le parti, ses structures et ses différents organes de contrôle ; des prémices de la chape de plomb qui allait s'abattre sur la vie politique interne, avec ses répercussions et ses prolongements au plan externe, en étouffant et en inhibant toute initiative de mobilisation, de canalisation et d'accompagnement des revendications des citoyens (…)». Le slogan phare du parti «Mobilisation pacifique, lucidité et engagement citoyen est devenu un engagement auquel le parti, squatté par une direction sclérosée et en hibernation, a renoncé», regrettent les camarades de Khaled Tazaghart. Si ces derniers étaient déjà en désaccord latent avec les «choix» de l'appareil du parti, trois événements ont pour le moins précipité la rupture. La première dérive, qui aura suscité de nombreuses interrogations au sein des militants et laissé planer le doute chez la population, aura été celle de l'annulation par le secrétariat national de la marche des élus, programmée pour le 11 avril 2013. Un parti crisogène «Le Rubicon franchi par l'appareil du parti aura été la légèreté et le peu de considération, à la limite du mépris qu'il a affichés à l'égard de la mémoire du FFS, de son histoire qui se confond avec celle de notre pays, en usant de tous les artifices pour torpiller le projet de réalisation et d'inauguration de la stèle en hommage aux martyrs du FFS de 1963, à l'occasion de la commémoration du cinquantenaire de la fondation du parti», expliquent-ils. L'estocade a été portée par l'annulation de la direction du parti d'un conseil fédéral qui devait se tenir le 27 décembre dernier. En dressant un tableau sombre de l'état dans lequel se trouve le parti, les cadres démissionnaires considèrent que «le FFS, son histoire, les valeureux hommes qui l'ont pensé, ses martyrs, ses anciens de 1963, son combat, ses valeurs, ses militantes et ses militants sont, en l'état actuel des choses, trop importants et trop grands pour ceux qui les ‘‘dirigent'' actuellement». Il faut rappeler que lors des élections législatives de mai 2012, le parti a été violemment secoué par une crise politique sans précédent. La direction du parti a été vertement accusée par des figures de proue, comme Djamel Zenati, Mustapha Bouhadef, Ali Kerboua, Samir Bouakouir, Karim Tabbou, d'avoir passé «un deal» avec le pouvoir. Au lendemain des élections législatives, un groupe de militants conduit par l'ex-premier secrétaire national, Karim Tabbou, a quitté le parti. Ce nouveau séisme qui vient d'ébranler le FFS risque d'achever le plus vieux parti qui a poussé vers la porte de sortie des centaines de militants et leaders politiques de poids. Son fonctionnement peu démocratique et ses tergiversations politiques récentes engendrent à intervalles réguliers des dissidences qui ont fait de lui un parti crisogène. Enferré dans une crise politico-organique chronique, le parti fondé par le leader historique, Hocine Aït Ahmed en 1963, s'est littéralement vidé de son encadrement. Depuis le départ du fameux «groupe de Tizi» de Saïd Khelil, le parti ne cesse de laisser sur sa route des contingents de militants.