Le pacte est scellé avec la machine qui exauce des vœux, prodigue moult services. Dans ces petites chapelles, discrètes et paisibles que le jargon des temps nouveaux désigne sous le vocable de cybercafés, le client entre en communion avec des désirs, des envies et des quêtes intimes. Une petite merveille de la technique fait office de servante dévouée et fidèle. Son intelligence est robuste. Ses ressources infinies. Sa docilité est d'airain. Il y en a qui, séduits par sa magie, lui vouent une passion. Je me sens franchement conquis par cette effervescence qui plane dans ces endroits. Le charme opère. Tout respire le contentement. Une sérénité monacale règne. Les espérances s'échafaudent. Les requêtes pleuvent comme la grêle. Chacun y va de pied ferme à la rencontre de ses doléances. Un désir caché s'exprime, une pensée vulgaire s'affiche, une discussion intime s'entame comme dans une alcôve secrète. La curiosité de l'esprit s'exhale. Satres et doctes étudiants se côtoient dans une atmosphère studieuse. Photographies osées, formules de physique, préceptes de droit et penchants culinaires se chevauchent. Fragments de confession, rêves sans bornes, rondes folâtres défilent en un carrousel inextinguible. Que de projets concoctés dans ces sanctuaires. Que d'amitiés tissées. Assurément, la culture urbaine s'étoffe avec les cybercafés. Ils sont devenus incontournables. Fervents néophytes et vieux routiers en font leur lieu de prédilection. La machine, véritable vestale, illumine les sentiers, balise les chemins, bâtit mille ponts. Ce qui n'est pas pour déplaire à toute cette clientèle qui trouve remède à ses frustrations, traverse les frontières, se faufile à travers les dédales du monde et accède à des sphères éloignées. Un sublime pied de nez aux gardiens du temple qui désespèrent de ne pas pouvoir juguler les vents du large. Les bien- pensants désarment. Que peut-on y faire face au village planétaire ? Absolument rien. Et c'est tant mieux.