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dumping et spéculation autour des légumes secs
Leurs prix s'envolent sur le marché
Publié dans El Watan le 13 - 01 - 2014

Les légumes secs, produits de luxe en Algérie? On serait tenté de le croire au vu de leurs prix actuels.
Selon les lois du marché, les prix augmentent quand la demande dépasse l'offre. Or, selon l'OAIC (office algérien interprofessionnel des céréales), les quantités importées (en hausse de 60% au premier semestre 2013) sont suffisantes. Le ministre du Commerce parle même d'importations «exceptionnelles pour assurer la disponibilité sur le marché». Pourtant, il ne peut pas y avoir de pic extraordinaire de la consommation, à moins d'une poussé démographique soudaine.
Or, entre la marge des importateurs, des grossistes et des détaillants, le consommateur final se retrouve à payer les haricots plus chers qu'un kilogramme de bananes. Certes, environ 30% seulement des besoins nationaux en légumes secs sont couverts par la production locale, selon des chiffres officiels. Une flambée des prix à l'international finirait donc par expliquer la tendance des prix, mais pas uniquement.
Chez les commerçants de détail, on s'en lave les mains. Le gérant d'une superette dans la commune de Draria, où les haricots se vendent à 300 da le kilogramme explique que la faute incombe «aux grossistes. Quand ils augmentent les prix on est obligés de répercuter nous aussi.» Mais, dit-il, «cela dépend des marques. Garrido, par exemple, est la plus chère et si les gens veulent payer moins, ils peuvent acheter d'autres marques ou en vrac».
Pour les consommateurs qui s'approvisionnent chez l'épicier du coin, ce sont donc certains commerçants qui sont à blâmer pour leur voracité. Un vendeur dans un magasin d'alimentation générale du côté de Birkhadem jure pourtant que la marge du détaillant ne dépasse pas les 15%. Une virée chez quelques grossistes et commerces de détail montre pourtant que la marge des prix pour les haricots, les lentilles et les pois chiches varient respectivement entre 23%, 11% et jusqu'à 30%, au profit des détaillants.
Une situation somme normale, nous dit-on du côté des commerçants, puisque les grossistes jouent sur la quantité. Ils ne seraient pas innocents pour autant. Selon une source de l'OAIC, les grossistes sont coupables d'avoir «dumpé les prix des lentilles, des pois chiches et du riz en les récupérant sur les prix des haricots blancs». Des statistiques du ministère du commerce montrent en effet qu'au moment où les prix à l'international commençaient à baisser, ceux des haricots commençaient à augmenter, pendant que les autres légumes secs baissaient ou stagnaient
Guerre des marges
Dans le fief des grossistes à Jolie Vue (commune de Kouba), l'un d'entre eux reconnaît que «les prix ne sont pas la faute des détaillants. Eux il prennent généralement une marge entre 20% et 30%, c'est la norme».
Les explications à la hausse des prix sont donc à chercher ailleurs. «D'abord, nous ne produisons pas de légumes secs, les quelques marques nationales que vous trouvez sur le marché ne font que du conditionnement. Presque 100% des haricots, lentilles et pois chiches sont importés», explique un grossiste en agroalimentaire. Or, à l'international, la tonne de haricot blanc a presque doublé en un an, conséquence notamment de la réduction des superficies cultivées.
L'autre raison invoquée est la dévaluation de la monnaie nationale. «Le dinar ne vaut plus rien. Actuellement, sa dépréciation atteint jusqu'à 13 à 14%», nous dit-il encore.Opérée en catimini, une dévaluation de près de 10% du dinar par la Banque d'Algérie était en cours depuis la mi-juillet 2013 et le renchérissement des produits importés en constitue une conséquence attendue.
La loi des importateurs
A tout cela, il faut ajouter la «cupidité des importateurs». «Ce sont eux qui prennent le plus gros des marges sur l'ensemble de la chaîne», nous dit un autre grossiste. «On ne sait pas à quel prix ils achètent et on ne peut pas négocier avec eux car il y a une sorte d'entente entre eux pour ne pas descendre en deçà d'un certain prix. Ils contrôlent le marché». Contrôler le marché tout en échappant au contrôle des autorités grâce à de fausses factures ou de faux registres de commerce, la formule idéale pour les importateurs. Ils seraient, selon l'union générale des commerçants et artisans d'Alger (UGCAA), 1/3 soit environ 12 000 à opérer dans le secteur de l'agroalimentaire dont un quart dans le segment des fruits et légumes.
Selon Tahar Boulenoir, porte-parole de l'Union, «on ne connaît pas les marges qu'ils appliquent ni les prix avec lesquels ils achètent».
C'est sans doute pour cela qu'ils auraient écoulé sur le marché avec les nouveaux cours mondiaux d'anciens stocks de légumes secs acquis lorsque les prix étaient encore raisonnables, selon une source de l'OIAC. Une information confirmée par M. Boulenoir, pour qui c'est une pratique «courante».
Avec «le dysfonctionnement» des circuits de distribution, des marchés de gros incontrôlables, un défaut de facturation qui touche plus de 80% des transactions et le règne de la cupidité, il serait facile de trouver des explications à la hausse des prix des légumes secs, ainsi qu'à beaucoup d'autres produits de consommation.
Selon l'Ugcaa, entre son arrivée au port et sa vente au consommateur, le produit importé «est renchéri de 30 à 40%, dont 50% finissent dans la poche de l'importateur».


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