La classe politique algérienne s'est laissée allégrement piégée par Bouteflika et le clan présidentiel, en se focalisant sur la question du quatrième mandat de Bouteflika devenu l'objet principal de débats et de polémique autour du prochain scrutin présidentiel. A telle enseigne que des candidats potentiels, ayant assumé de hautes responsabilités au sein du système et qui revendiquent publiquement et avec fierté leur filiation en tant qu'«enfants du système», hésitent et tergiversent pour se jeter à l'eau. Convaincus en cela que se présenter contre un candidat du pouvoir et du clan dominant du moment est un combat perdu d'avance. Le doute a gagné même les candidats qui ont franchi le mur de la peur en annonçant leur candidature présentée comme un acte de salubrité publique pour rompre avec le système. Le président du parti Jil Jadid, Soufiane Djilali, a dit tout haut ce que beaucoup d'hommes politiques dans et en dehors du sérail pensent tout bas, en menaçant de se retirer de la course à la présidentielle si Bouteflika venait à briguer un 4e mandat. La stratégie électorale mise en branle par l'équipe au pouvoir commence déjà à produire ses effets pervers. Le mystère entretenu sur les intentions politiques de Bouteflika pour empêcher toute dynamique électorale qui pourrait être portée par des candidats sérieux susceptibles de menacer les équilibres du pouvoir n'est pas forcément le signe d'une indécision politique, de l'absence d'une feuille de route politique et électorale sur les tablettes des partisans de Bouteflika. La sérénité totale, qui se dégage des rangs de l'entourage de Bouteflika, trouve son explication, selon certains analystes, dans les garde-fous que le président de la République a mis en place pour contrôler rigoureusement le processus électoral en amont, en désignant des hommes qui lui sont proches à la tête des ministères de souveraineté, tels que le ministère de l'Intérieur et des Collectivité locales et celui de la Justice ainsi que d'autres institutions-clés, comme le Conseil constitutionnel, qui ont un lien direct avec les élections. Pour beaucoup, d'une certaine manière ou d'une manière certaine, l'élection présidentielle est déjà consommée. Il ne reste plus qu'à connaître le nom du prochain président. La confidence faite dimanche par le président du FLN, Amar Saadani, décrétant que la «condition physique de Bouteflika n'est pas importante pour les Algériens», au point de le disqualifier pour postuler à un nouveau mandat, ouvre des pistes sur la succession qui se prépare avec Bouteflika ou sans lui, mais néanmoins sous son haut patronage. La carte repoussoir de la candidature de Bouteflika semble avoir bien fonctionné, même dans l'hypothèse où il ne s'agit que d'un leurre électoral. En se focalisant sur ce débat, dont on en a fait une question existentielle, charnière du scrutin présidentiel, la classe politique a occulté le débat de fond. Le véritable enjeu de cette élection n'est pas tant la candidature de Bouteflika que les garanties politiques qu'offre le pouvoir pour une élection libre et transparente. Rien n'a changé dans les mœurs politiques pour espérer un sursaut démocratique à la faveur du prochain scrutin. Le départ en retraite de Bouteflika, s'il se confirme, ne peut pas être, à lui seul, un gage suffisant pour réformer le système qu'il a mis en place et qui pourrait bien lui survivre.