Lors de cette rencontre organisée à l'hôtel Essafir à Zéralda, les psychologues ont beaucoup insisté sur la nécessité de renforcer, de généraliser la formation continue pour les détenus et de multiplier les consultations psychologiques en milieu carcéral. Très académiques, les conférences animées surtout par des professeurs universitaires étaient beaucoup plus des cours sur la psychologie humaine, enseignement de base que les étudiants en psychologie sont censés connaître. Les plus intéressantes des communications étaient surtout celles des psychologues en activité dans les établissements pénitentiaires, à l'exemple du docteur Chouireb Kheïra, qui exerce au centre pour mineurs de Gdyel, situé à une trentaine de kilomètres d'Oran. Dans ce centre, qui abrite entre 90 et 100 enfants mineurs (âgés entre 14 et 18 ans), les pensionnaires vivent en majorité une grande souffrance, dont l'origine remonte souvent à l'enfance et surtout au milieu familial. « La plus grande proportion est issue de famille disloquée, c'est-à-dire parents divorcés, négligeants, qui ne communiquent pas, violents, etc. Leurs premiers cris de détresse sont lancés au sein de cette cellule, soit par des actes de vols que nous qualifions de vols affectifs, le refus de la scolarité, la violence, l'énurésie et plusieurs autres symptômes. Si la famille ne se rend pas compte de ces appels de détresse, l'enfant se dirige vers la rue où il commet l'irréparable. Il devient la victime de sa famille. Il faut suivre la vie de l'adolescent depuis son enfance jusqu'à son passage à la prison. Il faut voir comment il dort le soir, il mange, il joue et quelles sont ses relations avec sa famille, mais aussi ses amis. Il faut aller au plus profond de lui-même pour connaître le pourquoi de ses actes, pour le réconcilier avec la société et lui faire reprendre le bon chemin, une fois la liberté retrouvée. » La psychologue a beaucoup insisté sur les cas de mineurs auteurs de crimes sur leurs parents, en citant un cas type bouleversant. Un adolescent de 17 ans, qui a tué sa mère, qui ne communiquait avec lui qu'avec des bouts de papier collés au mur. « Elle lui écrivait : achète le pain, ne parle pas avec ton copain, n'oublie pas la poubelle, etc. Elle passait son temps à lire le Coran et à aucun moment l'adolescent n'a pu avoir un moment pour discuter avec elle. Il vivait l'enfer avec sa maman. Un jour, il a décidé de lui parler, mais elle était collée à son Coran. Il l'a prise par le cou et lui a cogné la tête contre un pilier. Elle s'est évanouie. Cela ne l'a pas empêché de la prendre et de la noyer dans la baignoire. Il voulait en finir avec la vie qu'il menait avec elle. Durant toute la thérapie, il ne regrettait pas l'acte qu'il a commis. La question qui revenait à chaque fois sur ses lèvres, c'est de savoir si Dieu allait lui pardonner ce crime. » La psychologue a longuement parlé de la relation de la mère avec l'enfant, en notant que dans les 99% des dessins réalisés par les mineurs, trois éléments reviennent : la nature qui représente la vie, dont ils rêvent, la maman, et la mort représentée souvent par des serpents ou des couteaux, des sabres ou des armes. La psychologue de par son expérience sur le terrain a dévoilé quelques moyens de thérapie en milieu carcéral, notamment quand il s'agit de mineur. Elle a conseillé à ses confrères la méthode dite drama-thérapie, qui consiste à jouer des pièces de théâtre et à laisser le libre choix aux enfants détenus, des personnages et d'interpréter le rôle qu'ils veulent. « Souvent, ces derniers extériorisent leur souffrance à travers les rôles des personnages qu'ils jouent. Tout comme lorsqu'ils dessinent sur papier leurs angoisses et leur rêves. La pièce de théâtre s'appelle souvent Hier, aujourd'hui et demain. Je demande au détenu de faire un texte pour parler d'une histoire qui a un passé, un présent et un futur. Dans la majorité des cas, le détenu nous raconte son histoire, ce qu'il a vécu avec sa famille, ce qu'il endure à la prison et ce qu'il veut faire après sa libération. »