Pour la première fois, le ministère de la Justice a réuni hier les psychologues exerçant dans les établissements pénitentiaires pour prendre part à deux journées d'étude sur la prise en charge psychologique en milieu carcéral, organisée à l'hôtel Essafir, à Zéralda. Plusieurs universitaires et spécialistes de la santé mentale ont également participé à cette rencontre, à laquelle étaient présents les chefs de cour d'Alger et de Blida, le procureur général de la Cour suprême, la présidente du Conseil d'Etat et des représentants des secteurs de la solidarité nationale et de la santé. Intervenant en marge des travaux, Mokhtar Fellioune, directeur général de l'administration pénitentiaire, a expliqué que « l'action des psychologues permet de limiter des dégâts psycho-affectifs auxquels sont confrontés en général les détenus dès leur incarcération ». Selon le responsable, même si l'Algérie n'est pas confrontée, comme certains pays, à l'image de la France, au phénomène du suicide, dont les cas sont très rares (estimés à un par an), « nos prisons occupées actuellement par 45 000 détenus connaissent des problèmes liés à la prise en charge des pensionnaires atteints de maladies lourdes. Nous avons mis en place un important dispositif médical composé de 27 médecins généralistes, 143 chirurgiens-dentistes, 72 paramédicaux et 230 psychologues cliniciens et nous comptons recruter, en 2007, plus d'une centaine d'autres psychologues... ». M. Fellioune a indiqué que les maladies les plus répandues dans les établissements pénitentiaires sont l'asthme et les allergies. « 80% des détenus sont des jeunes de moins de 30 ans. Les détenus porteurs de lourdes maladies ne sont pas nombreux. Ils sont pris en charge non seulement par nos équipes médicales. Lorsque la nécessité s'impose, ils bénéficient aussi de soins au niveau des plus grands hôpitaux. » Le responsable a reconnu que le système actuel nécessite « une amélioration » pour laquelle son département a déjà engagé une réflexion. L'idée est de trouver d'autres mécanismes qui permettent une plus rapide intervention ou carrément privilégier la liberté conditionnelle pour les malades très lourds. Les mêmes propos ont été tenus par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, qui a déclaré qu'en 2005, les psychologues ont examiné 60 000 détenus, soit 5 000 consultations par mois. Il a mis l'accent sur « le déficit en matière de prise en charge psychologique des détenus, eu égard à la forte demande de cette spécialité en milieu carcéral... ». A ce titre, il a rappelé la révision des circulaires interministérielles pour la mise à la disposition du secteur de la justice des compétences du ministère de la Santé pour répondre aux besoins des établissements pénitentiaires en matière de prise en charge médicale des détenus. « Aujourd'hui, il existe 36 postes de spécialistes répartis sur les 36 cours, chargés de coordonner les activités des psychologues de suivre leur travail et de renforcer leurs capacités d'intervention dans tous les cas de figure... ». Intervenant en tant que psychologue exerçant à la prison d'El Harrach, Mme Leila Zoubiri a réussi à recentrer le débat autour de la prise en charge psychologique. « La prison fait peur à tout le monde. Elle provoque un choc psychologique profond chez toutes les personnes qui y mettent les pieds. Les souffrances qui en découlent dépendent du degrés de l'endurance du détenu. Ce dernier tente alors d'y faire face en utilisant tous les moyens, drogue, consultations psychologiques, religion, etc. Les tentatives de suicide ne reflètent pas l'envie de mourir mais plutôt un appel au secours (...)... », a-t-elle déclaré. La psychologue a bouleversé l'assistance en citant des cas de détenus ayant fait objet de graves troubles psychologiques. « J'ai eu à traiter une détenue, abandonnée par ses parents adoptifs et privée de ses enfants. Elle n'a plus personne. Dans l'état où elle est, elle est capable de commettre l'irréparable. Un détenu n'est pas uniquement un numéro d'écrou. C'est une personne qui appelle au secours et demande à être écoutée », a-t-elle lancée.