Bouteflika rechute et retourne au Val-de-Grâce. Le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, a été évacué lundi dernier à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce pour un «contrôle routinier», a indiqué la présidence de la République dans un communiqué répercuté par l'APS. Une évacuation qui intervient à un moment sensible de la vie politique du pays, puisque le chef de l'Etat devrait convoquer le corps électoral avant vendredi prochain, comme le prévoit la Constitution. Elle accentue davantage le doute sur une élection présidentielle déjà incertaine. L'hospitalisation du Président aura un impact certain sur le cours des évènements et le calendrier politique risque vraisemblablement d'être chamboulé. La présidence de la République a pris le soin, sans doute pour «rassurer» l'opinion, de préciser que le transfert de Bouteflika à Paris a été fait dans le but de «parachever son bilan de santé, initié à Alger, et dans le cadre d'une visite médicale routinière de contrôle, arrêtée et programmée depuis le mois de juin 2013. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, séjourne à l'hôpital du Val-de-Grâce, depuis lundi 13 janvier 2014 et ce, jusqu'au vendredi 17 janvier 2014». Mais dans quel état de santé reviendra-t-il ? El Mouradia a affirmé que la santé du Président s'améliore «sûrement» et de «façon progressive». Selon toujours la Présidence, «le transfert de Abdelaziz Bouteflika était prévu et arrêté depuis son séjour à l'institution nationale (française) des Invalides à Paris» et qu' «aucune procédure d'urgence n'a dicté ce déplacement» ! La Présidence dit-elle toute la vérité ? Des sources affirment que le chef de l'Etat a été transféré au Val-de-Grâce en «urgence dimanche et non pas lundi et qu'il aurait quitté le pays dans un état de santé détériorée». Bouteflika qui se trouve dans une longue période de convalescence, depuis son admission à l'institution nationale des Invalides, le 21 mai 2013, avant de regagner le pays, le 17 juillet de la même année, est apparu extrêmement affaibli lors de la signature de la loi de finances 2014, le 30 décembre dernier. Certaines sources assuraient même qu'il n'a pas pu reconnaître les membres de son gouvernement. Visiblement et après huit mois de convalescence, son état de santé demeurerait incertain. Les multiples déclarations des hauts responsables gouvernementaux, assurant que «le Président se porte bien et qu'il a retrouvé sa forme», inquiètent plus qu'elles ne rassurent. Il est probable que l'approche de l'élection présidentielle sur laquelle plane une totale incertitude ait pesé dans l'aggravation de l'état de santé du Président. Pressé par son entourage immédiat pour briguer un quatrième mandat alors qu'il n'assurait plus sa fonction normalement depuis huit mois, Abdelaziz Bouteflika n'a peut-être pas pu supporter la pression, qui s'est accentuée depuis que son «ennemi juré», Ali Benflis s'est montré de plus en plus déterminé à se lancer dans la bataille présidentielle. «Passer les clés du palais d'El Mouradia à son pire ennemi serait insupportable, voire inacceptable pour Bouteflika», nous a confié un ancien ministre très au fait des coulisses du pouvoir. «La possibilité d'un retrait avant l'heure anticipée n'est pas à exclure», précise-t-il encore.
Réunion d'urgence du commandement militaire Si la seconde hospitalisation du chef de l'Etat confirme une réelle dégradation de son état de santé, la question de sa capacité à rester encore au pouvoir jusqu'au mois d'avril prochain –date de l'élection présidentielle – est sérieusement posée. Va-t-il abandonner ? Il faut dire que depuis son admission au Val-de-Grâce suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), le 27 avril 2013, Bouteflika ne gouvernait pas réellement. Il ne s'est déplacé au palais présidentiel qu'à deux reprises, septembre puis décembre 2013, pour la signature de la loi de finances 2014. De nombreux acteurs politiques n'ont pas cessé depuis d'invoquer l'état d'empêchement en se référant à l'article 88 de la Constitution qui stipule : «Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement.» Nul doute que la maladie du Président a plongé l'Etat dans une paralysie inédite et qu'elle fait peser sur le pays, à la veille de l'élection présidentielle, une incertitude politique. Une totale confusion domine le ciel de la «République». Et curieusement, hier matin, avant l'annonce de l'évacuation du chef de l'Etat à Paris, une longue dépêche balancée par l'agence gouvernementale (APS) assurant que le président de la République «procédera, sauf cas de force majeure, à la convocation du corps électoral pour l'élection présidentielle de 2014 entre les 16 et 17 janvier en cours, conformément aux délais impartis par le code électoral ; et que la loi organique du 12 janvier 2012 relative au régime électoral stipule, dans son article 133, que sans préjudice des dispositions de l'article 88 de la Constitution, le corps électoral est convoqué par décret présidentiel, quatre-vingt-dix jours avant la date du scrutin (…)». ! Ce «sauf cas de force majeure» autorise toutes les lectures possibles et surtout les spéculations les plus folles, alors qu'à Alger c'est le branle-bas de combat. Selon des sources concordantes, le Haut Commandement de l'armée a tenu une réunion d'urgence, lundi, en présence des six chefs des régions militaires. Une réunion de crise exigée par l'évacuation du Président en France pour «réfléchir à tous les scénarios de crise», selon nos sources.