Deux ans après le lancement de la sonde de la NASA, Curiosity, et un peu plus d'une année après son atterrissage sur Mars, nous commençons à mieux connaître cette planète. Par le biais d'instruments scientifiques sophistiqués, Curiosity transmet à l'équipe de chercheurs, Mars Science Laboratory (MSL) de la NASA, des informations encore jamais obtenues. Celles-ci montrent que Mars contient de l'eau, qu'elle était habitable il y a de cela quelques milliards d'années et qu'elle aurait pu contenir des traces de vie (ceci reste une question posée). L'être humain s'est depuis très longtemps intéressé à la question de savoir si la vie existe et/ou existait ailleurs que sur Terre. Mars, voisine de la Terre, a une histoire controversée concernant son potentiel passé ou présent d'habitabilité, aussi bien sur sa surface qu'en son sous-sol. L'un des buts de Curiosity est d'apporter une réponse à la question suivante : la planète Mars est-elle, ou a-t-elle été, à un certain moment de son histoire, habitable ? Il est important de souligner que cette interrogation diffère de ce que la planète Mars est ou a été habitée ? Etre habitable ou être habitée ? La Terre étant l'unique planète connue à être habitée, notre compréhension de l'habitabilité nous parvient d'études sur les divers environnements terriens. Ainsi, nous avons appris que pour être habitable, une planète (ou une région d'une planète) doit bénéficier de la présence simultanée d'eau liquide, d'éléments essentiels pour la biochimie que sont le carbone, l'hydrogène, l'oxygène, l'azote, le potassium, le phosphore, le soufre, et de l'énergie nécessaire pour produire des réactions biochimiques. De plus, il est essentiel que l'environnement dans lequel ces conditions d'habitabilité existent permette à des microorganismes de survivre. Pour rechercher ces trois ingrédients, les scientifiques collectent ce qu'il convient d'appeler des signatures naturelles : on parle de signatures atomiques, moléculaires, biochimiques, etc. En fait, pour peu que nous l'interrogions et l'écoutions, la nature nous donne des informations qui nous permettent de mieux la comprendre. Mieux nous l'étudions, plus étendu et profond devient notre savoir. Ainsi, un arc-en-ciel est une signature naturelle qui permet de mieux comprendre ce qu'est la lumière. Nos empreintes digitales sont un autre exemple de signatures naturelles, biomédicales cette fois. Elles permettent l'identification d'une personne spécifique parmi une population assez large. Ceci est possible car chacun et chacune de nous possède sa propre signature naturelle : son empreinte digitale. De la même manière, les roches, les sols, les poussières, les protéines, les cellules — en fait tout ce qui forme la nature — fournissent des signatures spécifiques qui peuvent, après analyse, accroître et approfondir nos connaissances sur leur état physico-biochimique et leurs environnements. Pour la mesure et la collecte des signatures spécifiques des sols, roches, et poussières de la planète Mars, Curiosity possède à son bord dix instruments (El Watan du 27 août 2012, pages 6-7). Ceux-ci permettent l'obtention de signatures naturelles de la planète rouge qui sont les empreintes des échantillons martiens interrogés dans des environnements très complexes et difficiles à caractériser. Au vu de cette complexité, il n'avait encore jamais été possible d'envisager de faire des études détaillées de la planète Mars et de son environnement (sous-sol, poussière, radiation, etc.) comme le fait aujourd'hui Curiosity. Grâce à Curiosity, l'équipe de MSL a établi la présence sur Mars de pratiquement tous les éléments nécessaires à l'habitabilité, c'est-à-dire le carbone, l'hydrogène, l'oxygène, l'azote, le soufre et le phosphore. Ces résultats ont été obtenus par l'analyse des mesures faites par le biais des divers instruments à bord de Curiosity et en particulier du laser «ChemCam». Ce laser peut fournir des impulsions lumineuses très intenses, très brèves (d'une durée de quelques billionnièmes de secondes), et focalisables sur des cibles très petites (moins d'un millimètre) avec une précision de pointage très haute (capables de toucher la tête d'une aiguille à couture). Ce laser nous a permis d'acquérir la première empreinte atomique d'une roche sur une planète autre que la Terre (N. Melikechi et al.,Optics and Photonics News, January 2013). Cette empreinte obtenue le 19 août 2012 en interrogeant une roche martienne, Coronation, qui se trouvait à quelques mètres de la sonde (à 2.6 mètres du laser) révèle la richesse élémentaire de la roche et montre clairement la présence de l'hydrogène sur Mars. De plus, des mesures effectuées sur Mars montrent l'existence de certains types de roches qui ne peuvent se former qu'en présence d'eau. Pour une quantité donnée de sol martien, environ 2% de son poids est constitué d'eau ! Quant à la qualité et à l'âge de cette eau, des analyses des sols et de la boue martienne dans la région Yellowstone Bayont a permis de conclure qu'un lac contenant de l'eau non saline et avec un pH relativement neutre aurait existé dans cette région il y a de cela quelques milliards d'années. L'analyse des roches montre une importante diversité physico-chimique. Ces résultats, combinés à d'autres, indiquent qu'à un certain moment de leur histoire, ces roches ont été transportées par un flux d'eau, une rivière dans la région du cratère de Gale. Du point de vue chimique, cet environnement ressemble grandement à ceux que l'on trouve sur Terre, pouvant être un milieu propice à la vie de micro-organismes. Etrangement, cela rappelle certaines régions de notre beau Sahara. Ceci veut-il dire que la planète Mars a été ou est habitée ? La réponse à cette question ne peut être donnée par Curiosity, car cette sonde n'a pas été conçue pour cela. Néanmoins, grâce à un de ses instruments, Curiosity a mesuré des intensités de radiations bien plus importantes que celles qui existent sur Terre. Celles-ci sont aussi bien dangereuses pour l'être humain que pour des micro-organismes, car elles ont la capacité de casser des molécules, même celles qui possèdent des liaisons intermoléculaires relativement solides. Ces radiations ne pénètrent pas facilement dans les roches et par conséquent l'intensité de ces radiations décroît rapidement dans le sous-sol martien. Une des questions qui se pose est de savoir si des organismes avaient vécu sur Mars, auraient-ils survécu à ces radiations ou auraient-ils pu s'y adapter ? La prochaine mission sur Mars aura peut-être comme but de répondre à cette question. On passera alors de la recherche sur l'habitabilité à la recherche de la vie comme on la connaît sur Terre (ou sous une autre forme). Mais avant cela, Curiosity se dirige vers le Mont Sharp pour de nouvelles expériences sur notre planète voisine, Mars, et qui sait, de nouvelles découvertes. Même s'il est difficile de travailler à 300 millions de kilomètres de chez soi, Curiosity nous permet d'approfondir nos connaissances et de poser de nouvelles questions. Ceci est un progrès considérable, car la science avance grâce à notre curiosité qui nous pousse à poser les bonnes questions, et grâce à notre passion qui, elle, nous aide à y répondre. Une nouvelle génération de scientifiques s'attellera à cette tâche, une génération dont feront partie directement et/ou indirectement des jeunes lectrices et lecteurs d'El Watan et des moins jeunes, qui chaque jour fréquentent des écoles ouvertes sur le monde, sachant les inspirer, les encourager et les aider à être mieux formés pour leur futur. Le temps ayant cette fâcheuse habitude de n'attendre personne, il est essentiel que notre jeunesse soit bien préparée à relever, entre autres, les défis scientifiques et technologiques de demain.