Rachid Bouchareb décrochera-t-il l'Ours d'or ? On le saura dans quelques jours l Ils sont 20 cinéastes dans la chasse à l'Ours. Berlin, capitale des fictions, affiche complet. Du Berliner Palast au Zoo Palast, l'agitation médiatique et cinéphile est montée de plusieurs crans. Rude épreuve pour celui qui cherche un billet pour le film d'ouverture, une projection déjà «sold out !». Ou même celui, pourchassé par le froid polaire, qui cherche une table libre dans un restaurant de Postdamer Strasse : tout le cinéma mondial dîne en même temps et colonise le moindre bout de comptoir. Two Men In Town (La voie de l'ennemi), film policier de Rachid Bouchareb, avec Forest Whitaker, Ellen Burstyn et Harvey Keitel, est montré dès le deuxième jour à la presse. On lui prête l'idée d'être un remake d'une production de 1973 : Deux Hommes dans la Ville, de José Giovanni. En 2009, Rachid Bouchareb avait montré London River en compétition dans cette même salle du Berliner Palast, beau travail qui avait valu un Ours d'argent (prix d'interprétation) au brillant acteur burkinabé Sotigui Kouyaté. Les films en compétition vont se succéder à un rythme soutenu devant les milliers de critiques venus du monde entier et déjà submergés par un matraquage publicitaire qui les pousse à se réveiller aux aurores, de peur de rater une perle à la séance de presse très matinale. A croire toute la publicité, la sélection est cette année riche en surprises et découvertes. Pour l'ouverture, le forcing des attachés de presse n'a pas menti. C'est un film long, mais pas ennuyeux, une bonne surprise : The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson (Usa). Une histoire policière et aussi une métaphore de la situation de l'Europe entre les deux guerres. Ralph Fiennes joue le rôle d'un concierge dans un grand palace, décidé à mettre de l'ordre dans les affiaires de ses prestigieux clients : mystérieuse disparition d'un tableau de maître, querelle violente d'héritiers autour d'une fortune colossale, d'autres faits encore qui tournent à l'énigme et au drame. Néo-thriller, néo-tableau de mœurs, mis en scène dans un décor et avec des costumes splendides par un auteur bourré de talent. En fait, une production spectaculaire faite pour ouvrir un grand festival comme celui de Berlin. C'est parti aussi pour les 36 films du Panorama et les 52 films du Forum. Sans compter l'hommage à Ken Loach, la rétrospective esthétique de l'ombre, sur l'éclairage comme style de mise en scène, avec 40 productions : Shanghai Express, Citizen Kane, Les Raisins de la colère, Zorro... Le programme reprend le cycle habituel sur les «films culinaires», une spécialité berlinoise... Invité cette année, le chef du meilleur restaurant du monde : El Cellar de Can Rocca, situé près de Barcelone. Ce n'est ni un boui-boui ni un fast-food quelconque, puisqu'il faut réserver une table un an à l'avance pour le dîner et six mois pour le déjeuner, avec des plats à 380 euros ! Le cycle qui montre les films de cuisine indique : «we like it hot... but don't let it burn».Tout un programme. Pendant ce temps, la section Panorama annonce la venue d'un cinéaste de 21 ans, un génie, selon son producteur : Zhou Hao. A l'ouverture du programme, son film intitulé Yé (La nuit). D'Egypte, deux productions documentaires : Al Midan, sur Maidan Etahrir, de Jéhanne Noujaïm et Arij, scènes de la révolution, de Viola Shafik : un point de vue copte de la révolution égyptienne. Plusieurs autres documentaires au Panorama : sur Noam Chomsky, Les pirates de Somalie, Occupy Wall street. Comme chaque année, c'est l'Asie qui domine largement la fiction. Il y a 36 films fictions au seul Panorama, productions du Japon, Hong Kong, Corée du Sud, Vietnam, Taïwan. Ce pays produit des films marqués politiquement : contre le libéralisme économique du gouvernement qui est poussé par le FMI et l'OMC à importer des produits agricoles et transformer les champs agricoles en lacs... The Rice Bomber, de Cho Li et Bing Du, de Midi Z, abordent ce thème qui a provoqué la révolte des paysans de Taïwan. Tous les admirateurs de Sheikh Imam, de ses chansons vives, tendres, amicales, voix magnifique d'un fabuleux résistant contre l'obcurantisme, la corruption, l'injustice, tous ceux-là seront dans la salle de l'Arsenal pour voir The Sheikh Imam Project, film vidéo de l'artiste libanais Gheith Amine, travail dédié à l'excellence absolue d'un immense poète, compositeur, chanteur égyptien.