Durant la dernière décennie, l'aviation militaire algérienne a connu de nombreux crashs occasionnant des drames humains au sein des familles des nombreuses victimes militaires, dont les noms sont souvent frappés du sceau du secret militaire, même lorsque parmi elles se trouvent des civils. Le plus grand nombre de crashs, au moins six, concerne surtout le type Hercule C-130, comme celui qui s'est crashé hier, tuant les 103 passagers (dont quatre membres d'équipage) qui étaient à son bord. Le dernier en date a eu lieu au mois de février 2009 et, avant lui, en juin 2003, un autre s'est écrasé sur des habitations, non loin de l'aéroport de Boufarik, faisant une quinzaine de morts entre civils et militaires, suivi en 2006 par celui qui s'est crashé en Italie, tuant le pilote, le copilote et un ingénieur de l'aviation. L'hécatombe de l'aviation militaire ne s'est pas limitée aux Hercules puisque plusieurs avions de chasse, de type Mig, se sont crashés dans des conditions jamais élucidées. En effet, au mois de novembre 2011, deux Mig se sont écrasés au nord-est de Tlemcen, dans la commune de Aïn Nehala, quelques minutes seulement après leur décollage de la base aérienne de Tafraoui, à Oran. Les deux militaires qui pilotaient les appareils sont morts sur le coup. Une semaine auparavant, un bimoteur militaire de type Casa-295, qui transportait du papier destiné à fabriquer des billets de banque, s'est crashé près de Trélans (Lozère) en France. L'avion venait de l'aéroport du Bourget à Paris, à destination de l'Algérie. Cinq militaires et deux fonctionnaires de la Banque d'Algérie ont été tués et leurs corps rapatriés. Les conditions de cet accident ont été rendues publiques par les autorités françaises qui avaient mené l'enquête. Selon elles, «à la suite du déclenchement d'une alarme de givre, les pilotes ont décidé d'élever l'altitude de vol, ce que l'appareil, déjà en limite de performance, n'a pas pu faire, ralentissant continuellement en dépit de la mise en puissance maximale de ses moteurs et atteignant une vitesse proche de sa vitesse de décrochage (…) Puis l'appareil, à la surprise des pilotes, a, pendant cette manœuvre, effectué plusieurs embardées dont ils ont essayé, en vain, de limiter les effets». Les enquêteurs ont privilégié la thèse selon laquelle «l'aéronef, déjà en limite de performances, était chargé de givre ce qui a augmenté significativement sa masse et obéré ses qualités aérodynamiques. L'avion s'est enfoncé vers la droite pour partir en piqué et effectuer deux tonneaux à la verticale. Il a atteint une vitesse de 280 nœuds, supérieure à sa vitesse maximale de 240 nœuds. Les contraintes exercées sur l'empennage du fait de la vitesse et des efforts correctifs appliqués aux commandes par les pilotes ont été telles que la queue de l'appareil s'est arrachée du fuselage au niveau de la porte arrière (…) l'appareil était en perdition totale et s'est donc écrasé au sol». Toujours durant la même période, un autre avion militaire à bord duquel se trouvaient neuf personnes a effectué une sortie de piste à l'aéroport du Bourget, à Paris, fort heureusement sans faire de victime. En novembre 2009, un chasseur Mig 29, qui avait décollé de la base aérienne de Bousfer à Oran, s'est crashé au large du lieu-dit Vieux Port, dans la commune de Mers El Kébir. Porté disparu, le corps du pilote n'a pas été retrouvé. Six autres avions du même type s'étaient écrasés auparavant. L'un d'eux s'est crashé en juin 2007, dans la région de Sidi Bakhti, commune de Boutlelis, à Oran. En mai 2000, un autre Mig s'est écrasé au centre-ville de Aïn Turk, sur une bâtisse de deux étages, tuant un père de famille et son fils aîné. Le troisième Mig est tombé en plein mer, au large de Aïn El Turck, en 2004. En une décennie, l'armée algérienne a connu au moins une dizaine de crashs, avec des bilans plus lourds les uns que les autres, sans pour autant que les circonstances de ces accidents ne soient élucidées et rendues publiques. Pourtant, durant ces dix dernières années, l'institution militaire a obtenu des budgets colossaux pour moderniser sa flotte, notamment aérienne. Les conditions dans lesquelles les marchés d'acquisition des avions militaires sont passés ont souvent fait l'objet des critiques des plus avertis des spécialistes. A juste titre puisque, grâce à la presse russe, l'opinion publique algérienne a appris que les 15 Mig 29 achetés auprès de la Russie entre 2006 et 2007, ne répondaient pas aux normes requises. Des révélations qui ont poussé le ministère de la Défense nationale à les troquer contre d'autres chasseurs, des Soukhoi. Du côté algérien, rien n'avait filtré sur ces transactions, qui échappent au contrôle de la commission nationale des marchés et au droit de regard des institutions de contrôle. Le crash d'hier doit interpeller non seulement les autorités militaires, mais aussi civils et parlementaires soumis à l'obligation d'informer les Algériens, des capacités de leur armée, sachant que celle-ci bénéficie de la plus importante enveloppe budgétaire. Comme il est tout aussi important que les Algériens sachent comment et pourquoi un Hercule s'est crashé avec à son bord autant de passagers, faisant de cet accident le plus meurtriers des accidents d'appareils militaires à travers le monde.