Extradé à la fin de l'année dernière, Brahim Hadjas, fondateur de la défunte Union Bank, a comparu hier devant le tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger, pour violation de la réglementation du contrôle des changes. C'est en fin de matinée que le président du tribunal l'appelle à la barre. Avant même qu'il se prononce sur les griefs retenus contre lui, son avocat, Me Guendouzi, évoque un point de droit lié, dit-il, à la prescription de l'action publique. Selon lui, depuis le 3 juillet 2007, date du prononcé de la décision du tribunal contre le prévenu, aucun acte de procédure n'a été engagé par le parquet. «Si l'on se réfère aux articles 6, 7, 8 et 9 du code de procédure pénale, l'action publique tombe, de fait, sous le coup de la prescription dans la mesure où le délai de prescription pour un délit est de trois ans», lance l'avocat. Le juge prend acte et se retourne vers Brahim Hadjas. «Je n'étais pas directeur général d'Union Pêche ni d'Union Bank. Il est vrai que je détiens 85% des parts d'Union Bank et qu'Union Pêche est une EURL appartenant à la banque, mais je n'étais que le président du conseil d'administration. Je n'avais pas le pouvoir de contrôle ni sur la banque ni sur les 11 filiales», dit-il. Le juge lui fait savoir qu'Union Pêche a exporté de la crevette sans rapatrier le fruit de la vente. Le prévenu insiste sur le fait qu'il «ignorait tout». Pour Hadjas, «ce sont des problèmes qui concernent le directeur général d'Union Pêche, qui était un ressortissant français». Le juge : «La Banque d'Algérie vous considère comme responsable en tant que représentant d'Union Bank. Vous avez fait deux opérations d'exportation pour l'équivalent de 36 millions de dinars et de 17 millions de dinars que vous n'avez pas rapatriés. Qu'avez-vous à dire ?» Brahim Hadjas : «J'étais souvent à l'étranger, pour ramener des investisseurs en Algérie. Rares sont les fois où je rentrais pour rencontrer les responsables de la banque et des filiales. J'ai fait l'objet de 729 procédures engagées par la Banque d'Algérie. J'ai été sanctionné huit fois et condamné pour violation de la réglementation et même pour voie de fait. Mais, le Conseil d'Etat m'a donné raison à la fin.» Le représentant de la Banque d'Algérie (partie civile), M. Hanafi, explique que l'exportateur a 120 jours pour rapatrier les produits de son opération. Au-delà, il fait l'objet d'un procès-verbal d'infraction. Membre du collectif de la défense de Hadjas, Me Chiat demande à son client s'il a été convoqué pour une quelconque conciliation avant le dépôt de plainte. Le prévenu répond : «Jamais.» M. Hanani réplique : «C'est au client de demander la conciliation et non pas à la banque, qui est tenue de récupérer son argent.» Son avocat, Me Rejdal, s'attarde sur les points d'ordre soulevés par Me Guendouzi : «Il n'y a pas de prescription parce que les actes de procédure dont vous parlez ont été faits, à partir du moment où le mandat d'arrêt lancé contre le prévenu était renouvelé chaque deux ans (…) Union Bank était dans l'obligation de contrôler les opérations de commerce qu'elle prenait en charge. Il fallait qu'elle alerte en cas de dépassement du délai imparti par la loi. Elle ne l'a pas fait, donc elle a failli à ses obligations. Tous les documents que nous avons au niveau de la Banque d'Algérie prouvent qu'entre 2002 et 2003, il y a eu des opérations de l'ordre de 32 millions de dinars qui n'ont pas été rapatriés et, à cette époque, Brahim Hadjas était le premier responsable de la banque. Nous demandons la récupération de ces montants.» Le parquet ne requiert qu'une peine de 5 ans de prison et le paiement d'une amende de 32 millions de dinars. Les deux avocats de Hadjas axeront leurs plaidoiries sur «le contexte dans lequel cette affaire a eu lieu», marqué selon eux par «la chasse aux banques privées». «Le délai prévu par la loi pour rapatrier les devises est de 120 jours, alors que pour Hadjas, la Banque d'Algérie a réagi après 54 jours seulement… Pourquoi n'a-t-elle pas réagi lorsque 3000 milliards ont été dilapidés des banques publiques ? Moi, je dis que la procédure est illégale, elle est tout simplement politique», déclare Me Guendouzi, alors que son confrère Me Chiat rend hommage à son client qui «a réussi à surmonter les pressions exercées par le lobby français pour l'empêcher d'investir en Algérie». Prenant la parole, Brahim Hadjas accuse l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie : «En 1995, Hadj Nacer était gouverneur de la Banque d'Algérie. Une année après, il a imité ma signature pour m'exproprier. J'ai déposé plainte auprès de la Banque d'Algérie, qui l'a révoqué, mais quelque temps après, elle a décidé de mettre ma banque sous administration.» Le juge passe à la seconde affaire ; il s'agit d'une opération d'exportation de crevettes par Union Pêche, domiciliée à Union Bank, pour l'équivalent de 72 millions de dinars. Le représentant de la Banque d'Algérie explique : «La procédure impose que l'on définisse le mode de paiement des factures. Si l'on ne précise rien, cela veut dire que le paiement est immédiat et que le délai ne doit pas dépasser sept jours. Les factures d'Union Pêche ne portaient aucune mention. Et la Banque d'Algérie effectue des contrôles a posteriori, qu'elle peut engager cinq années après l'opération.» Les avocats plaident la relaxe, arguant du fait que leur client «n'avait même pas dépassé le délai de 120 jours». Le représentant du ministère public requiert 5 années de prison assortie d'une amende de 72 millions de dinars. Le président met les deux affaires en délibéré et précise que les décisions seront rendues le 4 mars prochain.