Encore une fois, la violence prend sa source là où elle ne devrait jamais être présente, l'école et les lycées. Lieu de savoir par excellence, ils sont, à Ghardaïa, devenus des terrains d'affrontements cycliques et récurrents. A ce rythme, on n'est pas sortis de l'auberge. «Ce n'est pas possible, à chaque fois que l'on pense que le problème est résolu, voilà que ça dégénère là où on s'y attend le moins. Cela ne peut plus continuer ainsi. Le lycée Moufdi Zakaria et le collège de Beni Izguen, à El Harameïne, sont un problème qu'il faut résoudre au plus vite, car c'est une véritable bombe à retardement qui est en train de prendre forme ici. Nos enfants souffrent des grèves à répétition qui nuisent gravement à leur scolarité, voilà maintenant que leur intégrité physique est menacée», lâche, affolée, une mère de famille accourue pour chercher sa fille qui a été, tout autant que des centaines d'élèves, évacuée dimanche de l'enceinte de leur structure scolaire dès les premières escarmouches dans la cour lors de la récréation de 10h. Très rapidement, des dizaines d'éléments des forces antiémeute de la police se sont déployés et interposés à coups de grenades lacrymogènes entre les jeunes des deux communautés. Des groupes de jeunes qui ont réussi à s'extraire du maillage policier ont commencé à s'attaquer aux véhicules de passage sur le grand boulevard du 5 Juillet. Des pare-brise et des lunettes arrière ont volé en éclats. Des pierres lancées à tout-va ont blessé quelques citoyens, surpris par l'escalade de violence, tel ce citoyen d'une cinquantaine d'années, qui, malgré les coups de poing et de pierres a réussi à se maintenir en équilibre sur sa moto et à s'éloigner, complètement ensanglanté. Ce n'est pas la première fois que des incidents de ce type éclatent dans ces deux structures scolaires mitoyennes dans le quartier mozabite de Beni Izguen. Pour Boualem, cadre d'une administration publique, «il n'y a, selon moi, que deux solutions, bien qu'extrêmes, à ces établissements. La première serait de muter ailleurs tous les enseignants et les responsables de ces structures et les remplacer par des enseignants et des responsables, issus d'autres wilayas qui n'ont aucune attache familiale ni parentale avec cette wilaya. La seconde, qui est à mon sens la plus radicale, est de les fermer définitivement et d'affecter l'ensemble des élèves vers les lycées de Sidi Abbaz, le lycée Fillali et le nouveau lycée de Bouhraoua. La position géographique du lycée Moufdi Zakaria et son annexe sont une source de tension permanente». Cette journée a commencé déjà par un sit-in des familles d'élèves malékites inscrits à l'école Ba Abderrahmane El Kourti, située au bas de Mélika, à proximité du pont qui fait la jonction entre El Quaria et Mélika Haut. Ils ont barré la route au rond-point de Merrakchi en disposant leurs enfants en travers de la route, pour dénoncer «l'occupation de l'école par des familles mozabites de Mélika qui refusent de quitter les lieux, mais en ayant pris soin de réinscrire leurs enfants dans d'autres écoles dans le ksar, alors que nos enfants sont privés de scolarité», affirme Abdennour, dont deux enfants sont inscrits dans cette école, et qui ajoute : «Ce ne sont pas des sinistrés. Tous les sinistrés ont été pris en charge par l'Etat. Si c'était vrai, pourquoi alors ils passent leurs nuits chez eux en haut dans le ksar et qu'ils ne descendent que tôt le matin pour réoccuper l'école. Les autorités doivent être intraitables avec ces gens-là qui compromettent la scolarité de nos enfants.» Et dire qu'avec l'apport massif des forces de sécurité qui «étouffent» la ville, les barrages à tous les carrefours et les rondes incessantes des centaines de véhicules de la police et de la gendarmerie, on commençait à réapprendre à vivre ensemble comme dans le temps. Même les appels incessants des imams des mosquées des deux communautés à la paix et à la fraternité restent quelquefois sans écho. Le semi-marathon organisé avec succès samedi conjointement par la Sûreté nationale et la direction de la jeunesse et des sports de Ghardaïa, sur un trajet de 8 km, d'El Atteuf jusqu'à l'esplanade du 1er Mai et qui a vu une participation massive des jeunes des deux communautés, venus des villes de Guerrara, Berriane, El Menéa et Ghardaïa, laissait entrevoir une lueur d'espoir tant les gamins faisaient un seul corps, riant et buvant ensemble dans les mêmes bouteilles d'eau minérale pendant le trajet.