Les réserves stagnent et les efforts d'exploration n'aboutissent qu'à des gisements de plus en plus petits, ne présageant rien de bon et risquant d'induire un rapide déclin de la production et un recul d'au moins 3% des ressources ultimes à très court terme. Les jours de la rente seraient-ils comptés ? La conférence tenue hier à l'initiative de l'association des ingénieurs d'Etat diplômés de l'IAP, sur le thème «Développement économique et transition énergétique», a conforté certaines appréhensions à ce sujet. Qu'ils soient pétro-optimistes ou pétro-pessimistes, les intervenants s'accordent sur un point : si rien n'est fait pour changer de cap, renforcer les investissements dans le secteur, accélérer l'effort d'exploration et réformer les politiques de prix et de subvention, on ira tout droit dans le mur. Le fait est que la moitié des réserves prouvées que ce soit en pétrole et en gaz ait déjà été produite et que l'avenir ne réserve nullement de perspectives encourageantes comme on souhaiterait le faire croire. C'est ainsi que Sidi Mohamed Baghdadli, ancien cadre de Sonatrach, a estimé hier que l'Algérie a largement dépassé le stade du Peak Oil & Gas. Car si la production d'hydrocarbures en Algérie a crû entre 1999 et 2005 de 30%, elle n'a eu de cesse de décliner depuis. Les réserves stagnent et les efforts d'exploration n'aboutissent au final qu'à des gisements de plus en plus petits, ne présageant rien de bon et risquant d'induire un rapide déclin de la production et un recul d'au moins 3% des ressources ultimes à très court terme. L'ex-PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, se fera plus alarmiste. En prenant en compte le niveau des réserves probables et possibles, si rien n'est fait en termes d'exploration et en termes d'efficacité énergétique d'ici à 2019-2022, l'Algérie pourrait ne plus honorer ses engagements à l'export à partir de 2030. Fervent défenseur des gaz de schiste, Attar a même estimé que les hydrocarbures non conventionnels ne parviendront pas à eux seuls à remédier au problème. Et d'ajouter que les hydrocarbures de schiste ne parviendront, au rythme où vont les choses, qu'à compenser les besoins de la consommation interne. Un avis partagé par l'ancien ministre de l'Energie, Nordine Aït Laoussine. Cependant celui-ci estime qu'avant d'évoquer le développement des hydrocarbures non conventionnels, il faudrait d'abord avoir une idée précise des réserves dont nous disposons et penser à l'intensification des bassins sous-explorés, ainsi qu'en offshore, et à améliorer les taux de récupération des gisements en exploitation. Politique des prix suicidaire L'ex-ministre estime aussi qu'il faut revoir notre vision du partenariat avec les opérateurs étrangers. Estimant que les majors pétrolières disposent aujourd'hui d'une pléthore d'opportunités et que les chantres des nationalismes pétroliers tels que le Mexique, la Russie et même l'Iran ont dû réviser leur législation, il appartient à l'Algérie de rendre son cadre réglementaire attractif et du moins assurer une certaine stabilité juridique au profit des investisseurs potentiels. Et d'ajouter qu'au vu des récentes annonces en la matière, le prochain appel d'offres pour l'attribution de blocs d'exploration sera le baromètre pour d'hypothétiques avancées. Reste un problème lancinant, celui de l'explosion de la consommation interne. Pour Mustapha Mékidèche, économiste, consultant et ex-cadre de Sonatrach, la croissance de la consommation interne en énergie primaire et particulièrement de gaz représente un défi pour un pays gazodépendant comme l'Algérie. Elle fragilise d'ailleurs la position de l'Algérie, pays exportateur de gaz. Position déjà menacée par les attaques sur les contrats à long terme et la concurrence de nombreux pays entrant sur les marchés traditionnels de l'Algérie. Dans ce sens, il met à l'amende les politiques incohérentes aussi bien du gouvernement que d'opérateurs comme Sonelgaz. Il reproche ainsi à l'électricien national sa persistance dans la voie de génération d'électricité exclusive à partir du gaz, alors que le gouvernement a pris des mesures en faveur de génération mixte gaz-solaire. Il se demande pourquoi cette décision ne se reflète pas dans les récents appels d'offres de Sonelgaz. Au gouvernement, il reproche une politique des prix et de subventions suicidaires encourageant le gaspillage au sein des ménages et organisant un transfert de la rente au profit des industriels, les unités pétrochimiques réalisées en partenariat avec des étrangers en étant la parfaite illustration. Transcendant les échéances électorales, M. Mékidèche estime qu'il faudrait revoir la politique des prix et mettre en compétition les futurs investisseurs autour de la question des prix plancher du gaz. Un avis qui reçoit l'assentiment du pétro-optimiste et actuel conseiller du ministre de l'Energie, Ali Hached. Celui-ci nous confie d'ailleurs que beaucoup de solutions peuvent être imaginées pour freiner la croissance de la consommation et arrêter, à titre d'exemple, la concurrence déloyale du gasoil par rapport au GPL. Au-delà de la politique des prix, il peut penser à la différenciation fiscale, ou à certaines mesures coercitives comme des barrières non tarifaires à l'entrée de certains types de véhicules. Il jugera cependant le propos de congénères trop alarmistes, estimant que le problème du secteur n'est pas dans le sous-sol, mais en surface. Car il s'agit, en premier lieu, de revoir l'organisation de Sonatrach et de la doter des moyens matériels, financiers et humains pour l'atteinte de l'objectif qui est de doubler la production de gaz et d'augmenter celle de pétrole d'ici 10 ans. Il pense aussi à l'impératif de réfléchir sérieusement à la question de la dépendance structurelle de l'économie nationale aux hydrocarbures, véritable enjeu et défi de l'heure.