Le pays est réellement en danger.» Trois jours après avoir annoncé son retrait de la course à l'élection présidentielle d'avril prochain, l'ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour, lance un cri d'alarme sur la situation du pays. Invité du journal Liberté, le seul Premier ministre à avoir démissionné sous le règne de Bouteflika plaide pour un «changement du système dans sa globalité». Dans une déclaration lue au début de sa conférence, Ahmed Benbitour estime que son retrait de la course à la présidentielle est motivé par des faits qui ne laissent planer aucun doute sur l'issue du scrutin du 17 avril. «L'usage inconsidéré des deniers publics, le maintien d'un gouvernement dont les membres sont notoirement connus pour leur allégeance au Président-candidat, la défaillance des mécanismes de régulation de la société par l'instrumentalisation de la justice, la vassalisation de l'administration, la confiscation des médias audiovisuels publics font que l'élection d'avril 2014 se présentent, une fois de plus, comme une rupture du pouvoir avec le peuple», indique Ahmed Benbitour. Avant d'en arriver là, l'ancien Premier ministre a rappelé que le pouvoir a poussé l'Algérie vers «la déliquescence de l'Etat». Il en donne des signes : «Quand des groupes, des individus gèrent les affaires de l'Etat en lieu et place des institutions, c'est le signe de l'émiettement de l'Etat.» Pis, l'homme, d'habitude mesuré, explique que des signes de «perte de la morale publique sont là». Là encore, ce ne sont pas les exemples qui manquent : «Violence comme seul moyen de règlement des conflits, corruption généralisée et absence de morale», résume l'économiste. Un constat et des solutions Plus grave que cela, l'ancien ministre des Finances explique qu'«en refusant une rupture négociée, le pouvoir met le pays dans une situation de révolte». Autrement dit, si les choses restent en l'état, la solution politique ne pourra venir que par la violence. «La chute du pouvoir en place par la violence de la rue, parce que le système aura tout mobilisé pour priver la société civile de contrepouvoir : répression, coercition sélective, division des rangs…», explique l'homme politique. Pis, «nous avons pensé que l'élection présidentielle est la meilleure manière de faire partir le pouvoir par des moyens pacifiques. Hélas, l'occasion est ratée», a-t-il regretté. Ahmed Benbitour propose à la classe politique une «solution de transition concertée». Cette solution commence par la mise en place d'un comité provisoire «pour la conduite du projet à l'échelle nationale». Mais avant cela, l'ancien candidat à la candidature propose de préparer «la feuille de route qui définit le projet de changement du système de gouvernance et les étapes de sa mise en œuvre». S'il dit ne pas exclure la fondation d'un parti politique dans l'immédiat, Ahmed Benbitour met néanmoins une condition : «Il faut d'abord créer une nouvelle culture politique dans le pays.»