Le décret n°13-377 publié dans le Journal Officiel (n°58) du 18/11/2013, portant sur le statut de la mosquée, vient de passer comme une lettre à la poste sans susciter de débats, à part quelques titres dans la presse francophone. Ainsi, la mosquée n'est plus uniquement un lieu de culte religieux, mais «elle est (en plus) une institution religieuse et sociale qui assure une mission de service public. Elle a pour objectif de promouvoir les valeurs de la religion musulmane» (Art.2). De plus, ses fonctions se sont élargies «dans la vie spirituelle, éducative, scientifique, culturelle et sociale de la vie de la Oumma» (Art. 4). Pis, l'article 9 qui réglemente la fonction sociale de la mosquée, «qui consiste notamment : au règlement des différends entre les citoyens ; au développement du sens civique, de l'esprit citoyen et de la solidarité sociale», est en contradiction avec la Constitution algérienne. Ceci dit, la mosquée selon ce décret peut subordonner la mairie (APC), la justice, les services sociaux, l'école, etc. Doit-on s'alarmer ou se féliciter de cette évolution ? Un homme politique algérien a vu juste quand il déclara (en 2012) dans un colloque : «Quand les islamistes seront au pouvoir, ils vont chômer, car tout a été déjà fait par leurs prédécesseurs !». Effectivement, à ce rythme, les confusions entre le religieux (croyant) et le politique (citoyen) se confirment. L'actuel gouvernement veut-il se déresponsabiliser du social et de l'éducatif ? Où l'utilise-t-il comme une stratégie pour contrôler un éventuel soulèvement ou protestation populaire où les imams vont jouer le rôle des pompiers et d'intermédiaires ? Elargir les pouvoirs de l'imam s'arrêtera-t-il un jour au social et à l'éducatif où au politique ? La mosquée pourrait-elle jouer un rôle dans l'éducation civique sans un dogme religieux qui est légitime de sa part ? La mosquée pourrait-elle jouer un rôle pour régler les différends entre les citoyens, si un des citoyens n'est pas croyant ou d'une autre confession (à moins que l'esprit du législateur parte du principe que tous les Algériens sont de la même religion) ? Imaginons qu'un couple a uniquement des filles, et par précaution a fait donation de ses biens à sa fille ; une fois décédés, les autres membres de la famille réclament leur «droit religieux d'héritage» ! Est-ce que l'imam, dans ce cas précis, va juger selon la loi divine ou selon la loi de la République ? C'est un exemple parmi tant d'autres ! L'école, qui est le temple de la nation, se voit vidée de ses prérogatives sociales, éducatives et civiques. Nous savons déjà que certaines mosquées remplissent le vide qui existe dans le pré-scolaire, où des familles désorientées confient leurs enfants (entre 4 et 5 ans) aux imams, sans aucune pédagogie d'enseignement, ni de connaissances sur la psychologie de l'enfant, ni un environnement propice pour une scolarisation adéquate. Cependant, ces jeunes enfants, dès leur première enfance, sont livrés à une dogmatisation sans aucun contrôle institutionnel, et à une religiosité loin de nos traditions cultuelles et culturelles. On ne devrait pas s'étonner devant un tel phénomène et se demander pourquoi la société plonge dans des circuits d'intolérance, d'incivilité et d'une violence interminable ! Ceci dit, ce décret confirme que le gouvernement veut se désengager des maux qui l'atteignent, au lieu de trouver les remèdes et de renforcer l'Etat de droit et surtout inculquer les valeurs civiques et citoyennes par les institutions de la République, il les cède à l'institution religieuse. De plus, l'Etat affiche son impuissance à faire face aux problèmes qui gangrènent la société algérienne. Après avoir fragilisé les institutions de l'Etat, de la justice à l'éducation, en passant par la fonction publique, etc., maintenant on vide la substance de la République, c'est-à-dire les valeurs citoyennes et républicaines et nous nous éloignons de plus en plus de la sécularisation des institutions de l'Etat...